Liberté, égalité, fraternité, laïcité
Près de 4 millions de personnes dont de nombreux chefs d’Etat ont défilé en France pour défendre des valeurs républicaines et la liberté d’expression en rendant hommage aux victimes des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et contre des personnes ciblées pour leur appartenance ethnique. Même si toutes les confessions étaient présentes lors de cette manifestation, c’est bien dans un élan commun tous se sont retrouvés croyants ou non croyants.
La laïcité n’est pas l’athéisme: L’athéisme est une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu.
La liberté de la presse a été visée par ces actes terroristes.
La liberté de penser a été visée par ces attentats.
La liberté de culte aussi.
La laïcité, ce moyen d’assurer la paix civile dans le pays, serait-elle aussi visée ?
Fonctionnaire d’Etat, je m’associe à la peine des familles des victimes et appelle à la défense de la devise de liberté, de fraternité, d’égalité et de laïcité dans notre pays. En tant que professeur d’arts plastiques, je suis particulièrement touchée par le fait qu’une série de dessins ait conduit à ces assassinats menaçant notre liberté d’expression, la liberté de créer et nos valeurs républicaines.
Un dessin n’est qu’un dessin et les crayons ne sont pas des kalachnikov.
« La laïcité est une valeur essentielle, avec ce souci de la liberté de conscience et de l’égalité de tous les hommes, qu’ils soient croyants, athées ou agnostiques. L’idéal laïc n’est pas un idéal négatif de ressentiment contre la religion. C’est le plus grand contresens que l’on puisse faire sur la laïcité que d’y voir une sorte d’hostilité de principe à la religion. Mais c’est un idéal positif d’affirmation de la liberté de conscience, de l’égalité des croyants et des athées et de l’idée que la loi républicaine doit viser le bien commun et non pas l’intérêt particulier. C’est ce qu’on appelle le principe de neutralité de la sphère publique. »
(Henri Pena-Ruiz, philosophe / septembre 2003)
Petite histoire du dessin humoristique:
Le dessin humoristique est un dessin qui par le trait, son expression et son contenu amène le public à un certain degré de réflexion sur des faits d’actualité. Ils sont souvent politiques ou religieux. C’est semble-t-il dans le monde anglo-saxon que le dessin humoristique apparaît au cours de la première moitié du XIXème siècle. On désignait ces dessins uniques par le terme de « cartoon » et très vite d’autres expressions sont apparues comme « cartoon strip », « comic strip » ou « strip »qui ont donné le jour à la bande-dessinée. Petit à petit, les dessinateurs humoristiques sont devenus de véritables professionnels dessinateurs de presse.
Le dessinateur Peter Arno est parfois considéré comme le père du dessin humoristique moderne.
En France, Honoré Daumier (1808-1879) réalise une série de caricatures en terre crue peintes à l’huile: Les Célébrités du Juste milieu
« L’expression « dessin de presse » apparaît semble-t-il pour la première fois en 1979 dans le titre d’un colloque organisé à Grenoble sur Daumier, et elle devient à la mode à partir des années 1990. » lien
Le dessin humoristique a une valeur éditoriale: il exprime de manière efficace une idée avec autant de finesse qu’avec les mots.
La caricature de l’italien « charger, accuser » est beaucoup plus vif dans sa démarche que le dessin de presse qui résume sous un angle humoristique ou non un fit d’actualité.
Petite histoire du dessin de presse:
Jusqu’alors, pour qualifier ces images , on employait et on emploie encore les termes de caricature, de dessin d’humour, gai ou drôle, de dessin de mœurs, de charge ou de portrait-charge, de gravures comiques, de dessin satirique ou politique, de satire ou d’humour graphique. La caricature veut dire « charge » et est une forme particulière du dessin de presse.
Le dessin de presse naît en France en 1830. La révolution politique et sociale entraîne un bouillonnement dans le domaine des idées et une grande liberté d’expression. Les progrès en matière d’impression des journaux favorisent la diffusion de ces dessins, mais surtout la production des images avec une technique nouvelle, la lithographie.
La Caricature est un hebdomadaire satirique illustré français paru à Paris le 4 novembre 1830 sous le titre La Caricature morale, religieuse, littéraire et scénique. Il fut fondé et dirigé par Charles Philipon.
Dessin célèbre de Philipon caricaturant Louis-Philippe Ier : Roi des français, caricaturé en poire et surnommé par ses détracteur : « le roi Tête de Poire » ». À l’issue de son procès devant la cour d’assises, Philipon fut condamné pour « outrages à la personne du roi ». Arrêté le 12 janvier 1832, il dut purger six mois de prison
Le Charivari est un journal illustré satirique français, qui parut de 1832 à 1937.
Le rôle central joué par la presse, entre autres Le Pélerin et l’édition dans l’affaire Dreyfus, est illustré par le symbole de l’engagement journalistique qu’est J’accuse d ‘Émile Zola.
Quand la liberté est menacée, les dessins de presse subissent la censure.
A partir des années 1880, les journaux de large diffusion commencent aussi à publier des dessins de manière hebdomadaire ou quotidienne.
Charlie Hebdo
Charlie Hebdo est un journal hebdomadaire satirique français. Largement illustré, le journal s’attaque à des thèmes sérieux comme les sectes, l’extrême droite, le catholicisme, l’islam, l’islamisme, le judaïsme, la politique, la culture, etc. Il trouve ses racines dans un autre journal satirique Hara-Kiri.
En novembre 1970, le Général de Gaulle meurt. Dix jours auparavant 146 personnes mouraient au cours d’un incendie dans une discothèque. L’hebdo titre en couverture sans aucun dessin, « Bal tragique à Colombey – un mort ». L’hebdo hara-kiri est interdit de paraître par le ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin. Le village de Colombey avait été choisi par le Général de Gaulle pour sa résidence. Il y est mort le 9 novembre 1970. C’est un symbole du gaullisme. Charlie Hebdo détourne une information pour en créer une autre sur le mode satirique.
L’équipe du journal décide alors pour continuer de publier sous un autre titre Charlie Hebdo.
Les dessins qui font polémique:
Charlie-hebdo publie des séries de caricatures acérées sur toutes les religions notamment sur le Prophète Mahomet et crée des polémiques. Les auteurs défendent le droit d’expression par l’image et par les mots de tous les sujets sérieux politiques et religieux.
Novembre 2011 : incendie des anciens locaux dans le 20e arrondissement de Paris
2012 : Un film américain L’innocence des musulmans (anti-islam) sort aux Etats-Unis provoquant des attaques et des manifestations dans plusieurs pays où règne l’islamisme salafiste. Charlie Hebdo décide alors de publier une série de caricatures pour protester contre l’incapacité d’accepter la moquerie ou la dérision. Ils reprennent les publications danoises par solidarité avec les caricaturistes du nord car ils se sont sentis aussi concernés.
(Le salafisme contemporain est un mouvement constitué de plusieurs mouvances. En particulier, on peut distinguer un courant « révolutionnaire » qui prône le djihad armé. Chacun de ces courants prétend incarner le vrai salafisme et critique les autres courants de manière virulente. Djihad: Le dictionnaire arabe donne : guerre menée au nom d’un idéal religieux.)
« Un dessin réussi prête à rire. Quand il est vraiment réussi, il prête à penser. S’il prête à rire et à penser, alors c’est un excellent dessin. Mais le meilleur dessin prête à rire, penser et déclenche une forme de honte. Le lecteur éprouve de la honte d’avoir pu rire d’une situation grave. Ce dessin est alors magnifique car c’est celui qui reste. » (Tignous)
L’interdit de figuration dans l’islam:
Selon les croyances populaires, l’interdiction serait totale, l’Islam aurait interdit toute forme de figuration : dessin, peinture et sculpture principalement ; et donc l’Islam proscrirait toute pratique de ces arts. L’art persan (postérieur à l’apparition de l’Islam) montre que cela n’a pas toujours été le cas dans l’histoire.
Le roi couronné reçu par le Prophète, v. 1800, Iran. © The Art Archive / Ashmolean Museum / AFP PHOTO
» Ô croyants ! le vin, les jeux de hasard, les statues [ou « les pierres dressées », selon les traductions] et le sort des flèches sont une abomination inventée par Satan ; abstenez-vous-en et vous serez heureux. »
— Coran, V, 90
Mohamed Aziza écrit :
« … la loi coranique… n’a défendu que la statuaire destinée à l’idolâtrie ».
L’interdiction ne porterait que sur des objets projetant des ombres et représentant le divin sous forme humaine afin d’éviter toute forme d’idolâtrie. (L’idolâtrie est l’adoration d’une image, d’un astre, d’une idée ou d’un objet. La crainte de l’image est avant tout celle de l’idolâtrie.
Calligraphie d’Hassan Massoudy
Dessin humoristique de Plantu représentant de manière détournée l’interdit de figuration dans l’islam.
L’attentat du 7 janvier 2015:
Des menaces ont été proférées contre Charlie Hebdo, ce qui a valu au Rédacteur en Chef Charb d’être placé sous protection rapprochée.
Le dernier dessin de Charb montre la conscience qu’il avait d’exercer un métier à risques.
Le 7 janvier, les frères Chérif et Saïd Kouachi pénètrent cagoulés dans les locaux du journal Charlie Hebdo armés de fusils d’assaut et ouvrent le feu. Douze personnes sont tuées et onze autres blessées, dont quatre grièvement ; auxquelles il faut ajouter la mort d’un policier abattu dans leur fuite. Selon les propos des rescapés, Charb aurait été tué en 1er.
ceux qui ont été tués le 7 janvier 2015
- · Frédéric Boisseau, agent d’entretien
- · Franck Brinsolaro, brigadier au service protection
- · Cabu, dessinateur
- · Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse
- · Charb, dessinateur
- · Philippe Honoré, dessinateur
- · Bernard Maris, économiste
- · Ahmed Merabet, policier du 11e arrondissement
- · Mustapha Ourrad, correcteur
- · Michel Renaud, invité de la rédaction
- · Tignous, dessinateur
- · Wolinski, dessinateur
Les attentats de janvier 2015 en France sont une série d’actions terroristes qui se sont déroulées entre les 7 et 9 janvier 2015 en France, qui visaient un journal, des journalistes, des policiers et des juifs et au cours desquelles dix-sept personnes ont été assassinées et trois terroristes tués.
La marche républicaine du 11 janvier 2015
Près de 4 millions de personnes sortent dans les rues de Paris et en France pour dénoncer cet acte de barbarie. De nombreux chefs d’Etat (44) sont présents affichant une volonté commune de combattre le terrorisme et pour la liberté d’expression. La laïcité de la République française est un des mots d’ordre de cette manifestation.
Au total, des dirigeants d’une soixantaine de pays, de l’Allemande Angela Merkel au Britannique David Cameron en passant par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le président palestinien Mahmoud Abbas ou le roi de Jordanie, ont participé à la «marche républicaine» dimanche à Paris après l’attentat contre Charlie Hebdo et un magasin casher. C’est bien un message de paix mondial que représente cette marche républicaine en France.
Photo prise par le photographe ©Martin Argyroglo. Le point de vue en contre-plongée accentue l’effet dramatique de la photographie ainsi que le clair-obscur. Le drapeau français ainsi que la composition générale rappelle La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Les photographes délivrent également un message dans leur manière de photographier un sujet. (un mail a été envoyé au photographe pour lui demander l’autorisation de publier sa photo. J’espère qu’il nous la donnera car cette photo fait maintenant partie de l’histoire et nos élèves pourront la voir.)
Les unes des journaux après les attentats:
La laïcité:
La laïcité est le principe de séparation de l’État et de la religion et donc l’impartialité ou la neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses. Par extension, laïcité désigne également le caractère des institutions, publiques ou privées, qui sont indépendantes du clergé.
Elle assure le libre exercice de toutes les religions.
La laïcité s’oppose à la reconnaissance d’une religion d’État.
La laïcité n’interdit pas l’étude des religions dans les cours d’histoire et de français mais de manière neutre et sans prendre parti. Les faits historiques sont expliqués aux enfants et des textes comme des images de toutes les religions sont abordés. Les oeuvres d’art religieuses font partie du patrimoine de l’humanité et appartiennent à l’humanité entière.
Un dessin de Francis Moreeuw, artiste engagé qui a travaillé avec les élèves de notre collège. Pour Charlie Hebdo
Les réactions des dessinateurs de presse
« Omar m’a tuer » est une phrase célèbre d’accusation, dans le cadre de l’affaire Omar Raddad, célèbre pour la faute de grammaire qu’elle contient (l’accord correct étant « Omar m’a tuée ») et la mise en scène dramatique de son inscription, en lettres de sang, près du corps de Ghislaine Marchal, découvert sans vie par les gendarmes dans la cave de son domicile le 24 juin 1991 à Mougins.
Plantu reprend ici la composition de La Liberté guidant le peuple de Delacroix
Ce dessin reprend un célèbre tableau de Magritte
Les dessinateurs de presse connaissent bien l’actualité, l’histoire des arts et les oeuvres d’arts célèbres. Sans cette connaissance des arts et de l’histoire, il est difficile de comprendre certains dessins de presse.
En assassinant ces dessinateurs, c’est toute la culture qui est visée.
La liberté d’expression:
La liberté d’opinion et d’expression est l’une des premières libertés politiques et plus généralement des libertés fondamentales. Dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, elle apparaît comme la première des libertés, la liberté y étant le premier des quatre droits de l’homme. Elle est aussi garantie par la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Mais cette liberté a des restrictions:
L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 apporte une limite au fait que chacun puisse révéler sa pensée à autrui notamment par l’idée que l’expression est libre, sous la seule réserve des abus auxquels elle donnerait lieu.
L’article 14 de la loi du 16 juillet 1949 « les publications présentant un danger pour la jeunesse, lesquelles peuvent faire l’objet, par arrêté du ministre de l’Intérieur, de restrictions quant à leur diffusion et commercialisation lorsqu’elles présentent « un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l’incitation à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ».
Des questions à se poser :
– Le rire peut-il tuer ? Peut-on rire de tout ?
-Un dessin est-il une arme mortelle ?
-Que répondre à un dessin qui vous a fâché ?
-La liberté d’expression autorise-t-elle tout ?
-La laïcité interdit-elle les religions ?
Des citations à commenter:
« La laïcité, c’est la disponibilité universelle du patrimoine humain, c’est la loi qui veut que chaque homme soit maître de son bien et que son bien se trouve partout où il y a des hommes. »
(Robert Escarpit / 1918-2000 / Ecole laïque, école du peuple)
« L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle. »
(Victor Hugo / 1802-1885 / Discours / 1850)
« La loi de séparation, c’est la marche délibérée de l’esprit vers la pleine lumière, la pleine science et l’entière raison. »
(Jean Jaurès / 1859-1914)
« L’esprit critique va de pair avec la liberté de conscience. C’est une valeur essentielle de la laïcité. »
(Henri Pena-Ruiz, philosophe / septembre 2003)
« La caricature est un témoin de la démocratie. »
Tignous, le 4 décembre 2012 lors d’un festival à Berck-sur-Mer
« La laïcité est la pierre angulaire de la cohésion nationale ». Danièle Pérez
Pour achever cet article, je republie le dessin à portée universelle de Plantu envoyé à notre collège qui prend à nouveau tout sons sens aujourd’hui:
sources:
http://pressealecole.fr/2015/01/selection-de-unes-sur-lattentat-charlie-hebdo/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Attentats_de_janvier_2015_en_France
Magnifique article, merci! L’éducation est ce qu’il faut absolument valoriser face à l’obscurantisme.
J’aurais aimé que l’histoire soit autre malheurusement.
Mille mercis pour cet article
A reblogué ceci sur Le Blog de Claudie Bastideet a ajouté:
Merci pour cet article
Merci pour votre article.
Merci Danièle pour ce magnifique article bien loin de certaines polémiques que l’on peut lire sur certains réseaux sociaux.
Merci également pour avoir publier mon dessin.
Bien amicalement
Francis Moreeuw
J’aurais préféré vous demander de dessiner des fleurs et publier une autre actualité.
Bien amicalement.
Merci pour cet article ! Je pense en reprendre l’essentiel pour l’exploiter avec mes élèves de Segpa, en arts plastiques, notamment pour évoquer la partie « caricature ».
Merci pour ce superbe dossier!!!
Merci. Bien à vous.
Merci pour votre article ! Je compte en faire bon usage avec mes élèves en Nouvelle Calédonie.
Merci pour votre commentaire. Bien à vous
Bonjour, merci pour votre article!
Tant mieux s’il est utile ! Bonne continuation