C’est dur d’enseigner les arts plastiques.
Dans le cadre de ma formation en 1998, j’ai été avertie qu’il y avait un tabou dans notre enseignement: la mort. Mais tout au long de ma carrière, j’ai été confrontée à deux problèmes dans mes classes: la représentation de nus et les oeuvres à caractère religieux. Avec mon expérience, j’ai appris à accompagner mes projections et analyses de beaucoup de précautions, de mise au point avec les élèves en leur apprenant que ces oeuvres faisaient partie du patrimoine de l’humanité et que mon enseignement était basé sur des notions plastiques et non religieuses. Tous ont parfaitement compris.
Comment faire pour évoquer les guerres sans évoquer la mort ? Comment faire pour aborder la question du corps sans évoquer le nu ?
Je m’arrange toujours pour montrer des oeuvres qui respectent le regard, les convictions de l’autre. J’ai toujours eu cette rigueur et cet état d’esprit, bien consciente que certaines oeuvres d’arts ne sont pas appropriées au regard des enfants. Je fais un travail de fond, dans la durée et la prudence. Mon but est de les amener à réfléchir aussi sur les pratiques contemporaines et de démonter leurs préjugés « C’est de l’art ça ? ».
Au début de ma carrière, m’y prenant mal au sujet de mes références artistiques, j’entendais souvent cette phrase « C’est pas de l’art, je peux en faire autant ».
Aujourd’hui, les évènements de janvier 2015, me posent le problème suivant: faut-il montrer les caricatures de Mahomet ? Ma réponse est claire: à chaud sûrement pas. Le travail s’annonce pour moi long et inscrit dans la durée. Dans mon article sur la laïcité à l’école, j’ai choisi une caricature qui ne pose aucun problème. Je pense qu’il ne faut pas aller au devant de ce que les élèves peuvent recevoir.
L’éducation s’effectue dans la durée, dans l’échange confiant avec le professeur.
C’est dans cet état d’esprit que j’ai publié la Lettre de Monsieur Singaïny qui posait la question du respect de l’autre.
Comment combattre le fanatisme ?
En accueillant les élèves tels qu’ils sont, en les prenant avec leur histoire, leurs histoires et tâcher avec des références subtiles d’ élever leur liberté de conscience.
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« Par éducation par politesse ou par souci d’efficacité, on peut vouloir éviter de heurter les convictions intimes d’autrui. mais il ne saurait y avoir d’offense au sentiment religieux ni aux conceptions fondamentales d’autrui. Ou alors il n’y aurait plus de liberté d’expression. Au plan des principes il sera mal venu de céder la-dessus. » Les amis de la Ligue des Droits de l’Homme de la Réunion
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J’adhère à ce que vous dites. C’est là le travail de l’éducation. Il y a des périodes où mes principes sont de mise et à d’autres moment, plus calmes, où nous pouvons aborder les questions de fond. Mon propos et ma seule volonté d’aujourd’hui, suite aux évènements, ne sont guidés que par la nécessité cruciale d’un apaisement. Danièle Pérez
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