Les nouveaux programmes d’arts plastiques au collège en clair:
clarté ou confusion ?
Les nouveaux programmes du cycle 3:
Quatre grandes entrées organisent cet enseignement au cycle 3 : c’est clair
La représentation
La fabrication
La matérialité
La présentation.
Proposition de programmes avec la visualisation des 4 entrées:
Le choix d’un tableau synoptique pour présenter les nouveaux programmes est pertinent et nous facilite la tâche. A condition qu’il soit bien fondé.
Les anciens programmes étaient très clairs sur les entrées et leurs développements entre compétences et apprentissages. Il y avait un prolongement et une logique entre les différentes entrées.
Comparons et visualisons les anciens et nouveaux tableaux:
Anciens programmes d’arts plastiques en 6ème et en 5ème:
Nouveaux programmes d’arts plastiques du cycle 3:
Dans cette nouvelle proposition, même si les répartitions des entrées sont discutables dans le tableau ci-dessous, il règne une grande confusion entre la mise en place des apprentissages et les compétences. L’ensemble manque de clarté et de simplicité. Des apprentissages découlent des compétences à mettre en oeuvre.
A deux reprises, j’ai essayé de mettre en couleur les notions en relation avec le programme. J’ai obtenu deux tableaux différents mais montrant bien que les parties assignées à la fabrication et à la matérialité sont floues. A vos feutres, l’opération n’est pas simple !
La colonne « Niveau de maîtrise attendu en fin de cycle 3 » ne correspond en rien aux deux autres « Connaissances et contenus associés » et les « Situations, démarches et outils pour l’élève ». Il n’y a aucune relation entre elles. Les couleurs parlent même si elles sont discutables. Où est la logique ?
Pourquoi la « narration » qui figure dans la 3ème colonne « situation et démarche » ne figure-t-elle pas dans les entrées des programmes ? La narration n’est pas seulement une affaire de représentation mais aussi de temporalité, de spatialité, etc ?
Par exemple: Dans la case « matérialité » sont évoquées les qualités physiques des objets et des matériaux. N’est-il pas question aussi ici de fabrication et de représentation ? Les matériaux n’ont-ils pas des incidences sur les formes, sur la perception de celles-ci ? Ne risque-t-on pas de perdre nos objectifs avec des entrées aussi floues et peu logiques ? Autre remarque: les propositions d’apprentissages ne risquent-elles pas de donner lieu à des exercices d’application, d’exécution au lieu de permettre des explorations et des réinvestissements comme mentionné dans l’incipit de ces nouveaux programmes ?
Les nouveaux programmes du cycle 4:
Les programmes proposés pour le cycle 4 apparaissent plus logiques dans leur progression et l’articulation des compétences avec les apprentissages.
Il est regrettable de ne plus avoir ces entrées « apprentissages » reliées à des « compétences » qui nous permettaient justement d’éviter d’enseigner avec de simples exercices.
Notre discipline est basée sur une posture plastique et artistique partant de phases exploratoires menant à des réinvestissements approfondis. C’est le noyau dur de la création plastique. A la lecture de ces nouveaux programmes, cette dimension n’apparaît pas. « Relation entre structure et enveloppe, entre passage et transition » est une bonne entrée pour combiner des exercices pour nos élèves, la relation entre la forme ouverte et la forme fermée également.
Il apparaît que l’âme de notre discipline n’a pas été perçue par les créateurs de ces nouveaux programmes. Un autre terme a totalement disparu: la notion de plaisir consubstantiel à toute forme d’apprentissage et d’acquisition.
Pour confirmer mon impression sur la dérive possible de ces nouveaux programmes, il est intéressant de lire l’exemple donné dans le cadre d’un EPI comme travail de transversalité avec plusieurs disciplines:
source http://www.reformeducollege.fr/epi
Information, communication, citoyenneté : enseignement moral et civique, arts plastiques |
![]() Les débats en caricatures Agnès et Zinedine sont doués pour le dessin, ils ont donc réalisé chacun une caricature sur un même sujet qui divise en ce moment les élèves du collège : la proposition des élus du conseil de la vie collégienne d’organiser des Olympiades pour tous les élèves dont la finale aurait lieu un samedi après-midi. Agnès a défendu la proposition alors que Louis a proposé une caricature dans laquelle il critique le fait que cela se fasse en plus des heures de cours. Éloïse et Lorraine ont préparé et animé le débat dans la classe avec l’aide de leur enseignant et ont pu bénéficier d’un regard extérieur sur le sujet grâce au caricaturiste. Chacun a pu exprimer son point de vue. Léo et Matteo ont pris des notes pendant le débat et préparé un article pour le journal du collège. Les enseignants les ont évalués sur ce projet complet : les caricatures, l’organisation du débat et l’article de presse. |
Voilà l’image de notre discipline: nous en sommes toujours au stade du professeur de dessin alors qu’il y a bien longtemps que cela ne fait plus partie de nos principales préoccupations. Les nouveaux programmes flous ne la rendent pas plus évidente.
Voici un autre exemple qui peut nous laisser perplexe:
Développement durable : physique, sciences de la vie et de la terre, technologie |
![]() Des éoliennes en maquette Du cours de physique, Lucas et Nora utilisent ce qu’ils ont appris sur l’alternateur et les possibilités de production de l’électricité pour expliquer comment une éolienne produit de l’électricité. Avec quelques recherches personnelles, ils parviennent à aller plus loin et expliquer pourquoi certaines éoliennes sont plus performantes que d’autres. Du cours de SVT, le chapitre sur les énergies fossiles et énergies renouvelables qu’ils ont étudié il y a quelques semaines. Leur enseignant de technologie les accompagne dans la création d’une petite maquette représentant une éolienne. Ils ont déjà eu l’occasion en 5e et 4e d’être initiés aux démarches de conception et de modélisation numérique ; ils ont vu comment cela pouvait fonctionner sur un pont. À l’aide d’une maquette numérique, ils mettent en application leurs connaissances pour produire un modèle simple qui associe une hélice, un aimant et une bobine de cuivre qu’ils font tourner grâce à un sèche-cheveux afin d’alimenter une LED. Lucas et Nora ont été évalués sur cette vidéo dans laquelle ils sont parvenus à expliquer de manière simple comment fonctionnaient les éoliennes et pourquoi elles pouvaient représenter une source d’énergie d’avenir. |
Pourquoi ne pas imaginer une collaboration avec les AP avec par exemple la construction d’une « sculpture qui joue avec le vent » ? Les élèves ne seraient-ils pas amenés à réfléchir sur la forme et la fonction des éoliennes ?
Ce qui manque cruellement à ces nouveaux programmes :
-un manque d’imagination, de fantaisie, de poésie dont a fait preuve notre discipline jusqu’ici.
-un manque de compréhension de ce que la transversalité implique: la connaissance de notre discipline.
-Comment vont s’orienter nos collègues par exemple d’histoire et de géographie dans la lecture de ces nouveaux programmes ? Ne risque-t-on pas de paraître abscons ? Comment vont-ils les interpréter si nous n’y parvenons même pas nous-mêmes ?
Ne faudrait-il pas aller vers plus de simplicité dans nos formulations et articulations afin de faire respecter l’âme et la valeur de notre matière ?
Une analyse intéressante Danièle, j’ai aussi abordé le sujet dans les commentaires : http://e-cours-arts-plastiques.com/comprendre-les-nouveaux-programmes-zoom-arts-plastiques-et-histoire-des-arts/
Je cherche encore la progression quand on a un pack programme pour 3 ans en cycle 4 par exemple. Le découpage par classe avait le mérite d’être clair et simple à mettre en oeuvre.
Déjà que certains parents m’avouent ne pas comprendre les enjeux des arts plastiques pour la 6e, là ils risquent de penser que nous formons de bons techniciens…
Ces programmes ont-ils été rédigés par des spécialistes ? J’ai lu ton très bon article et j’ai voulu aborder les programmes de manière critique. Le cycle 3 est très confus …
Oui, je crois que c’est le pire, au niveau confusion. En plus de l’amputation des cours pour les EPI et l’aide individualisée. A moins d’utiliser l’aide individualisée pour les former au numérique de notre discipline par exemple, à l’analyse d’oeuvre en profondeur pour l’histoire des arts… Je fais 1 h d’étude dirigée où je donne des méthodes de travail, cela y ressemble, sauf que cela s’ajoute à mon emploi du temps.
Souhaitons que nos collègues s’engagent à donner leur avis sur les programmes qui sont encore à titre consultatif jusqu’au 12 juin : http://eduscol.education.fr/consultations-2014-2015/events/college/
Je partage ton analyse. Mais au sujet des réformes, je crains le pire dans les Conseils Pédagogiques où les profs ne vont pas céder aussi facilement que ça des heures pour ces EPI et AP. Nous serons les premiers impactés.
Les premiers concernés ou pas .. cela dépendra de notre présence au conseil d’administration ! Car c’est là que cela va se jouer .. réunions , réunions ..
Désolée pour cette publication tardive de vos commentaires. Cette réforme sera acceptable si nous ne perdons pas l’âme de notre discipline. !
Bonjour. Dès la rentrée qui approche, je vais être néo-titulaire…et je m’y perds déjà dans ces nouveaux programmes ! La fiction des 5èmes disparait-elle ? Je risque fortement d’être inspectée vers la rentrée, et je ne sais même pas si je suis correctement les programmes…j’ai des cours fait pour quelques semaines, ma progression est au point, mais il est possible que je doive tout revoir ?
Que pensez vous des réunions de formations ? Avez vous eu l’occasion d’écouter les IPR d’arts plastiques ? Je pense que nous allons progressivement vers une instrumentalisation des arts plastiques qui deviennent la caution culturelle de certaines disciplines : l’ EPS par exemple ….
C’est à nous de jouer la partition !
Etant en congé maternité cette année, je n’ai pas eu « la chance » de suivre les formations. Dans mon académie , l’IPR semblait également en recherche mais aucune piste ne semble avoir été donné à mes collègues. Avez vous eu des « billes » pour commencer cette nouvelle année plus sereinement? Je suis complètement perdue dans ces programmes et je ne vois pas comment je pourrais avoir mes progressions à la rentrée ! Je ne comprends plus le sens de tout ceci. J’avoue comprendre l’intérêt d’aborder toutes ces thématiques (en cycle 4) chaque année sous un principe d’approfondissement mais ne pensez vous qu’on aboutisse plutôt à un survol de notions complexes au lieu de creuser plus en profondeur certaine thématique. L’idée est louable mais je ne suis pas sûre de son application. Comptez vous aborder tout ce que l’on nous demande et ceci chaque année? Est tout simplement réalisable? Pour une construction spiralaire, avez vous des exemples précis de cours sur des notions semblables à faire en 5ème, 4ème et 3ème…
Désolée pour ce long pavé parsemé de questions, je suis à la recherche de réponses. Je suis seule en arts plastiques sur 3 établissements et mon IPR ne me répond pas… J’ai la volonté de faire au mieux mon métier et tente d’articuler les réformes et mes valeurs de l’enseignement. Nous avons un métier formidable, qui donne chaque jour le sourire. J’aimerai que cela dure et continuer de voir mes élèves s’épanouir en arts plastiques !
C’est à nous de jouer la partition!
Exactement! Enfin, nous allons pouvoir composer à notre guise!
Plus de cloisonnement… l’OBJET en 3° ou en 5°, on s’en fout!! l’IMAGE quand je veux, durant le jour , la nuit, de l’année ou d’une autre, on s’en fout!!!…. Des spirales dans le temps pour approfondir, plutôt que survoler, des spirales que je trace à ma guise, une partition qui écoute la progression de chacun, une évaluation s’attachant aux progrès de chacun, à son évolution créatrice…
Enfin je peux me foutre des savoirs du premier de la classe, on s’en fout des savoirs, on n’est plus là pour se contenter de constater qu’Emilie est très douée, on sert à aider nos élèves à chercher, à expérimenter, à développer, se développer, se trouver…
Je m’en fous du collègue d’Histoire géo qui me prend pour un prestataire de services, je me sers de ses sollicitations pour lui montrer que les arts-pla, de par toutes ses qualités peuvent aussi servir et asseoir les apprentissages de toute discipline et si le collègue reste campé sur l’illusion de sa supériorité, je m’en fous, j’ai bien d’autres occasions de convaincre ailleurs grâce aux EPI, entre autres…
Je ne dis pas que la réforme est une révolution et que ce qui nous est offert est bel et bien pensé comme je veux l’imaginer… Mais c’est tellement plus drôle de le croire…
Et plus sérieusement, comment pourrais je construire mieux et plus beau pour mes élèves de REP +, en me persuadant d’être victime de laideur!