les objets dans l’art
Nous sommes entourés d’objets divers en grand nombre et aux fonctions variées. Nous attachons une grande importance à ces objets depuis longtemps. L’homme fier de ses inventions a représenté ces objets dans de nombreuses oeuvres d’art.L’objet traverse la tradition picturale occidentale dès l’antiquité. Mais c’est au XVIe siècle que la représentation de l’objet inanimé devient autonome et constitue un genre à part entière, celui de la nature morte, qui se canonisera alors en tant que peinture d’objets qui posent, comme suspendus dans le temps et agencés par la main de l’artiste. Les XVIe et XVIIe siècles hollandais seront riches en représentations d’objets. Au début du XXème siècle, Marcel Duchamp radicalise et révolutionne l’idée d’objet d’art en faisant pénétrer dans un musée un objet tout fait, un urinoir qu’il nomme « ready-made », objet tout fait. La face de l’art en est bouleversée et c’est l’entrée colossale de l’objet en masse dans les oeuvres d’art. La frontière entre l’objet usuel et l’objet d’art s’amincit au point de s’effacer avec le ready-made. L’objet se livrera aux détournements les plus spectaculaires et aux assemblages les plus surprenants des surréalistes, aux “accumulations”, “compressions” et différents “pièges” des Nouveaux réalistes, aux mises en scène de la nouvelle sculpture objective contemporaine, en passant par l’emphase critique du Pop art américain qui a fait d’une société de consommation et de ses objets le sujet fondamental de son art. Il semblerait qu’aujourd’hui les Musées soient devenus de grandes capsules intemporelles témoignant d’une époque où l’objet est roi posté tel un Dieu moderne sous les feux de la rampe.
Les objets dans la représentation picturale:
Au XVIème siècle, la représentation des objets devient un genre à part entière avec les natures mortes. Le Caravage peint la corbeille de fruits avec l’idée de représenter la vanité humaine face au temps et à l’espace. Les fruits trop mûrs sont en fait en train de pourrir dans la corbeille en équilibre instable sur le rebord de la table. Le Caravage décrit les ambitions de l’humain face à une mort inéluctable et certaine. Tout paraît vain, même la beauté des fruits rongée par le temps qui passe.
Arcimboldo, en visionnaire, représente des visages composés de plantes et divers objets. Le sujet du tableau est d’abord la représentation humaine par le truchement des objets qui s’incrustent dans le portrait avec une juste proportion. Cet assemblage de formes donne un caractère étrange à ce portrait sans visage. Le rendu illusionniste accentue cet effet.
Au XVIIème, la peinture hollandaise regorge d’objets qui dans ces vies silencieuses montrent soit le faste de la vie soit au contraire sa pauvreté. Dans la nature morte ci dessous, les objets sont dans un équilibre instable comme dans celle du Caravage. Ce sont les effets d’un repas riche qui est composé sur la toile. De nombreuses textures sont redues à la perfection montrant la virtuosité des artistes. Transparence et reflets sillonnent le tableau comme un rêve de lumière arrosant les objets avec ses rayons diffus et subtils.
Dans cette nature morte ci-dessous de l’Ecole Hollandaise, des instruments de musique sont représentés avec du vin et des victuailles. C’est une ode aux cinq sens que l’artiste peint dans cette toile. Le sens de la vue est sollicité par la minutie des détails et du rendu des textures. On retrouve ici aussi les compositions tout juste en équilibre pour montrer la fragilité de la vie. Sous un seul soupir, tout pourrait s’écrouler et faire entendre le vacarme de la chute. Même la tortue est en déséquilibre. La montre à gousset posée sur la table fait allusion au temps qui passe.
Jusqu’à une période tardive, les questions de la représentation de l’objet ne changent pas. Le rendu plus ou moins illusionniste n’est pas remis en question.
Le cubisme au XXème siècle:
Le cubisme aborde différemment la représentation de l’objet en tentant de le rendre de manière plus complètes avec ses différents points de vue rassemblés dans un même plan. Dans son compotier et cartes, Georges Braque fragmente l’espace du tableau en zones géométriques avec une composition faite d’horizontales et de verticales. Une sorte d’équilibre est trouvé où seuls les éléments plans (cartes et typographie) sont représentés de manière oblique. Le déséquilibre est incarné par le plan. La vision monoculaire de la perspective classique vole en éclats à l’enseigne d’une multiplication des plans qui se rabattent à la surface de la toile.
Pablo Picasso, dans la Nature morte à la chaise cannée de 1912 représente des objets en déséquilibre dû au système de représentation cubiste. La chaise est vue de dessus tandis que les objets sont représentés de face. Il opère un détournement de la fonction d’une tapisserie qu’il intègre dans la toile. La corde également prend une nouvelle fonction: celle de cadre du tableau ovale.
Le détournement des objets:
Marcel Duchamp en 1917 est, dans un coup de maître qui aura de nombreuses conséquences dans l’art, l’inventeur du ready made artistique. Il fait entrer dans un Musée un objet tout fait, un urinoir qui deviendra le symbole de l’art transfiguré par ce geste iconoclaste. Il choisit un objet non pas pour ses qualités esthétiques mais pour son caractère frondeur.
Les surréalistes réaliseront des productions d’objets détournés qui interrogent le regard. C’est le cas de Meret Oppenheim qui offre une sculpture « synesthétique » en changeant la surface d’une tasse et d’une soucoupe recouvertes de fourrures. Les sens du goût et du toucher sont inversés.
Le Pop-art américain:
Les objets en masse se multiplient et créent une nouvelle société de consommation où la publicité fait son entrée en grand nombre. Ces nouveaux médias influencent le monde de l’art. Les artistes représentent des objets au goût de la masse populaire pour en faire des icônes du moment.
Claes Oldenbourg représente à grande échelle des objets du quotidien qu’il monumentalise. Son hamburger géant et mou entre dans le monde de l’art.
Andy Warhol, figure du Pop Art américain, s’attaque à la figure des objets. Par ses procédés de fabrication des images distanciés, il crée une distance infranchissable entre l’objet représenté et le regardeur. Il détruit tout sentiment dans ses productions dénonçant ainsi les métamorphoses dans la société contemporaine d’un homme devenu objet de marchandise.
Les Nouveaux réalistes
Le 27 octobre 1960, chez Yves Klein, rue Campagne Première à Paris, advient la naissance officielle du Nouveau Réalisme qui réunit une dizaine d’artistes : Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Yves Klein, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jacques Mahé de la Villéglé, Jean Tinguely. « Nouveau Réalisme = nouvelle approche perceptive du réel”.
Arman invente ses premières accumulations d’objets.
Il compresse des détritus, fait brûler des objets, les maltraite comme pour en extraire le sens profond ou l’essence.
Daniel Spoerri invente ses tableaux pièges, reliquats de repas partagé avec des amis qu’il fixe comme pour faire une photographie en trois dimensions d’un temps passé à manger.
L’objet comme fable personnelle:
Joseph Beuys réalise des installations où il met en scène des objets pour relater son histoire personnelle réelle ou fictionnelle.
Bertrand Lavier poursuit l’oeuvre de Duchamp avec ses ready-mades aidés. Il s’empare d’objets du quotidien qu’il se contente de recouvrir d’une couche plus ou moins épaisse de peinture. L’objet d’art est questionné en ce qui fait son essence et sa particularité.
Bernard Pras s’empare des objets pour les mettre en scène selon les lois de l’anamorphose. Ici, il fait le portrait du mégalomane Salvador Dali qui montre à perfection son emphase.
L’objet engagé, ce témoin de la folie du monde
L’objet peut aussi dénoncer la folie meurtrière de nos sociétés modernes avec leurs conflits guerriers.
Kata Legrady fait entrer des armes dans les salles d’exposition où elle dénonce les guerres et l’exploitation des enfants comme chair à canon. Elle n’est pas la seule à utiliser des armes dans ses assemblages.
Toujours le célèbre Arman va jusqu’à faire un monument pour la paix en incrustant des chars dans du béton.
L’objet fétiche, un conte personnel
Nam June Paik utilise des télévisions dans ses installations. Olympe de Gouge, « La fée électronique »
Damian Hirst avec sa vanité Pour l’amour de Dieu fait entrer le luxe dans les musées. La vanité est poussée à l’extrême. La folie des grandeurs humaine est représentée dans tous ses excès.
L’objet n’a pas fini de nous relater ses histoires et contes extraordinaires. Les artistes, depuis l’ouverture magistrale faite par Duchamp dans son rapport à l’objet d’art, permet aux artistes toutes les fantaisies. L’objet peut être soit un prétexte plastique soit devenir l’objet lui même d’un message important. Nos Musées vont devenir de grandes pyramides.
Pour finir, Lance Abernethy sculpte avec une machine à imprimer en trois D, une miniature de perceuse qui fonctionne. L’imprimerie 3D serait-elle capable de lancer de nouveaux défis aux artistes ?
D’autres articles sur des thématiques dans l’art:
http://atomic-temporary-26416781.wpcomstaging.com/les-notions-dans-les-arts-plastiques/
Votre blog est intéressant et fourni mais je remarque une chose très problématique: vous n’introduisez jamais les cartels des oeuvres. C’est vraiment très gênant. Bien cordialement. Bonne continuation.
Je tâcherai d’être plus rigoureuse. En effet, je ne mets pas forcément toutes les informations quand l’oeuvre est bien connue du public un alors quand je ne les trouve pas. C’est promis, je les stipulerai pour toutes les oeuvres. Merci pour votre commentaire.
Bonjour,
Je suis enseignante dans le premier degré et je cherchais justement à travailler sur la thématique des objets. Sans pour autant aller aussi loin que vous avec vos élèves, cela me donne des pistes que je pourrai travailler avec mes ce2-cm1. Je vous remercie.
Bien à vous,
Merci beaucoup 😊
Très belle analyse sur l’objet en art
Merci !