Tentatives de donner des pistes de réflexion pour mener à bien des situations problèmes:
La situation problème est préconisée dans nos pratiques car elles permettent de mettre en oeuvre une situation d’enseignement où les élèves vont activer des compétences dans le but de résoudre une question posée. Une situation problème n’est pas une question fermée ni une problématique. Les situations-problèmes partent toujours d’une situation motivante créée par l’enseignant en vue de faire acquérir une posture aux élèves. La solution ne sera pas unique mais multiple.
L’étymologie de problème est intéressante à connaître:
- Emprunté au latin problema (« problème, question à résoudre »), lui-même emprunté au grec ancien πρόϐλημα, próblema (« ce qui est lancé en avant ou projeté », « obstacle », « promontoire »).
Mais qu’est-ce qu’un problème ?
Un problème dans son acception la plus courante, est une situation dans laquelle un obstacle empêche de progresser, d’avancer ou de réaliser ce que l’on voulait faire. …
Mais qu’est-ce qu’une situation ?
C’est un ensemble d’évènements, de circonstances, des relations concrètes au milieu desquels se trouve quelqu’un. Manière dont une chose, un lieu sont placés par rapport à d’autres choses, d’autres lieux. Une situation renvoie donc à l’idée d’un contexte défini, d’un cadre dans lequel émerge un problème, un obstacle.
Une situation problème ne place pas l’obstacle entre l’enseignant et l’élève mais plonge l’élève dans un état de questionnements, dans une situation questionnante où il émettra des hypothèses pour résoudre à sa manière le problème ouvert.
Une définition
- La situation-problème est une tâche concrète à accomplir dans certaines conditions qui supposent que les personnes franchissent ou contournent un certain nombre d’obstacles incontournables pour y arriver.
- La situation-problème est toujours une fiction sous contrôle définis par les choix de l’élève et les dispositifs de l’enseignant.
- La situation-problème fait partie des outils d’une pédagogie fondée sur l’autoconstruction des savoirs. C’est bien une approche socio-constructiviste. (1)
« Le terme « problème ouvert » a été introduit par une équipe de l’I.R.E.M. 1 de Lyon qui en donne la définition suivante :
– l’énoncé n’induit ni la méthode, ni la solution (pas de questions intermédiaires ni de questions du type « montrer que »). En aucun cas, cette solution ne doit se réduire à l’utilisation ou l’application immédiate des derniers résultats présentés en cours. La quête de solutions plastiques pour répondre à une question est toujours le début d’un problème ouvert.
– le problème se trouve dans un domaine conceptuel avec lequel les élèves ont assez de familiarité. Ainsi, peuvent-ils prendre facilement « possession » de la situation et s’engager dans des essais, des conjectures, des projets de résolution, des contre-exemples. C’est la naissance du conflit socio-cognitif où l’élève devra trouver la clé du problème avec ce dont il dispose: le saut ne doit pas être trop grand.
– l’énoncé est de préférence court et explicite.
« Concevoir l’enseignement des arts plastiques, ancré dans les questionnements et les compétences du programme, c’est penser un dispositif et des conditions de travail qui favorisent la découverte par la pratique de la dimension artistique. C’est aussi élaborer les situations permettant l’explicitation de la pratique et des questions qu’elle soulève par la prise de recul réflexif. » ressources cycles 2 et 3 Eduscol
La différence avec une problématique:
Une problématique n’est pas un problème, mais l’ensemble constitué par un problème général, les sous-problèmes et les hypothèses qui leur sont associés. « Peut-on, comment, en quoi, quelle typologie » : on est de l’ordre de la problématique. La situation problème est plutôt dans le comment ?
Définir un problème: c’est dégager des équivalences, des traductions, des variations mais aussi parfois des paradoxes, des conflits, etc
Voir : BO. Références aux programmes 2015 (cycle 2) « situations ouvertes », « pratique exploratoire » cycle 3
Liens aux programmes:
Cycle 2 : L’enseignement des arts plastiques développe particulièrement le potentiel d’invention des élèves, au sein de situations ouvertes favorisant l’autonomie, l’initiative et le recul critique.
Cycle 3: Comme au cycle 2, l’enseignement des arts plastiques s’appuie sur des situations ouvertes favorisant l’initiative, l’autonomie et le recul critique. La pratique plastique exploratoire et réflexive, toujours centrale dans les apprentissages, est privilégiée : action, invention et réflexion sont travaillées dans un même mouvement pour permettre l’appropriation des références artistiques qui constituent une culture commune enrichie par la culture des élèves.
Cycle 4: Privilégiant la démarche exploratoire, l’enseignement des arts plastiques fait constamment interagir action et réflexion sur les questions que posent les processus de création, liant ainsi production artistique et perception sensible, explicitation et acquisition de connaissances et de références dans l’objectif de construire une culture commune.
La compétence : est la capacité de mobiliser un minimum de ressources (internes et externes) en vue de traiter un ensemble de situations complexes. (internes: savoirs-faire, savoirs-être, stratégies), externes: recours à des documents, aux camarades, aux oeuvres d’art) : c’est l’articulation entre connaissances fondamentales, les capacités, aptitudes à mettre en oeuvre des connaissances , ouverture aux autres, quête de vérités afin d’atteindre un objectif précis dans une situation donnée.
Identifier:
les représentations initiales, les connaissances, les aptitudes, les capacités à mettre en oeuvre.
Demande : qui va aller à l’encontre des préjugés: elle ne doit pas être un problème insoluble !
Exemples de préjugés d’élèves:
partir des préjugés des élèves peut conduire à des situations problèmes intéressantes:
« Une sculpture est toujours pleine, verticale et posée sur une table, sur le sol, jamais dans les airs. » (demande :réaliser une sculpture pour laquelle on dira qu’elle est pleine d’air !)
« Une sculpture est toujours plus importante que son socle « (produire un socle plus spectaculaire que sa sculpture)
« Une peinture a un cadre tout autour de ses bords » (réaliser une image pour laquelle on dira que « tout est vu différemment grâce au cadre!)
« Les couleurs ne changent pas, « (Voici un rouge dont on ne sait pas trop comment il a été fait !)
« Le dessin est toujours plan » (Produire un dessin qui se développera dans les trois directions de l’espace)
etc
Qu’est-ce qu’une situation problème didactique ?
- une situation d’apprentissage (que l’élève se construit lui-même et avec les autres)
- ce n’est pas un résultat qui est attendu mais les moyens d’y parvenir
- c’est le déclenchement d’ une stratégie qui favorise l’engagement de l’élève
- en arts plastiques elle permet la co-construction de savoirs
- la situation problème a un but qui permet de mobiliser diverses compétences
- elle a du sens pour l’élève car elle est connectée à SA réalité.
- la situation problème augmente la perception de la réalité
- l’élève doit être capable de présenter sa solution au problème posé ou ses solutions en émettant des hypothèses
- l’apprenant doit pouvoir vérifier ses hypothèses et les redéfinir si le résultat n’est pas concluant
- L’élève doit décider si son hypothèse est valide ou non
On voit bien que les situations « à la manière de … » ne sont pas des situations problèmes et qu’elles peuvent s’avérer être dangereuses ! Le but d’une situation problème n’est pas de formater les esprits des élèves.
BO: « Les élèves explorent la pluralité des démarches et la diversité des œuvres à partir de quatre grands champs de pratiques : les pratiques bidimensionnelles, les pratiques tridimensionnelles, les pratiques artistiques de l’image fixe et animée, les pratiques de la création artistique numérique. Ces pratiques dialoguent avec la diversité des arts et des langages artistiques, par exemple dans les domaines de l’architecture, du design et du cinéma, notamment dans le cadre de projets pédagogiques transversaux ou de démarches interdisciplinaires. »
Analyse du tableau:
L’objectif: visé par l’enseignant est toujours l’idée que l’élève va franchir un obstacle en pratiquant et ensuite en le verbalisant de manière collective: en constatant l’ensemble des solutions du groupe : les élèves mettront du sens à leur productions. Tous les travaux doivent être mis ensembles. La découverte, la structuration, le réinvestissement permettent de voir si l’élève a franchi ces obstacles. La mise en commun et les échanges permettront de franchir les obstacles par l’ensemble de la classe: par capitalisation, mutualisation.
Progression: la situation problème en arts plastiques induit une idée de progression: le problème d’explorations en explorations se complexifie et permet de réinvestir les acquis.
Une question fermée : L’oxygène est-il le seul composant de l’air ?
Une situation problème : La pièce d’arts plastiques est fermée. Nous sommes 20, en combien de temps ne pourrons-nous plus respirer ?
Une énigme : question qui n’a pas forcément de solution. Une énigme est une chose difficile à comprendre. Elle est de l’ordre de l’incompréhensible. Il peut nous arriver de concevoir des situations-énigmatiques que les élèves ne comprendront pas. Une situation problème part du principe que les élèves sont armés (conceptuellement, au niveau de la logique et de la pratique) pour pouvoir y répondre. Exemple: » ma sculpture prend l’air ». Un élève ne pourra pas comprendre l’implicite dans cette demande. Et bien souvent les jeux d’esprit sont énigmatiques pour les élèves.
Des pistes de réponses concrètes à trouver :
Une situation problème n’est pas un problème réel à résoudre avec une seule réponse possible mais des pistes de réponses concrètes à trouver à des questions ouvertes. Le concret est bien lié à cette situation problème. Le contrat d’expression est un exemple: un objet + une idée = une situation problème. Mais ce n’est pas la seule solution.
Partir des composants plastiques et des représentations initiales des élèves, s’emparer des à priori :
L’espace par exemple: pour définir une situation problème bien concrète, il est important de bien cerner tout ce qui se rattache à l’espace. Il peut être fermé ou ouvert. Ceci doit vous renvoyer le plus rapidement possible à des formes artistiques sur lesquelles vous prendrez appui. Un Moore n’est pas un Michel-Ange. Là, commencent les questions: comment créer de l’ouvert avec du fermé ? Comment créer du fermé avec de l’ouvert ? Mais ce ne sont toujours pas des situations problèmes.
Se poser la question de ce que vont apprendre les élèves : ex: créer une production plastique en trois dimensions qui soit ouverte.
Trouver la bonne demande pour poser le problème ouvert : « RÉALISER UNE PRODUCTION POUR LAQUELLE ON DIRAIT « MA SCULPTURE PREND L’AIR ! ». »
Les élèves seront confrontés à la question de l’équilibre, de la pesanteur, de la structure, de l’ouverture, de la légèreté ce qui peut conduire à l’interdisciplinarité.
Relance de la demande : « Trouve d’autres solutions pour qu’on ait la sensation qu’elle est encore plus aérée ».
Et c’est par les problèmes ouverts que les élèves acquièrent une démarche scientifique pour répondre à ces problèmes.
Ainsi, ils sentent par l’expérience les différences entre un Brancusi et un Moore.
Constantin Brancusi, Le baiser
Henry Moore: Three points

Les obstacles: les élèves ne se sont jamais posés la question, en regardant les sculptures du rôle du vide, du plein, du creux, du saillant. En posant cette question ouverte ou ce problème ouvert, ils vont devoir travailler avec ces paramètres et se forgeront de nouvelles représentations.
L’ambivalence: une situation problème ne doit pas être univoque. Elle doit permettre aux élèves de trouver des pistes de manière intuitive pour conduire au rationnel. La visée de toute situation problème est bien de rendre rationnel une entrée qui à priori n’était pas évidente pour les apprenants.
Le fictif: l’élève doit élaborer son système de fiction (et si ? Et si ?) pour arriver à sa concrétisation. « De même que le simulateur de vol n’est pas un avion, de même, la situation-problème n’est pas un problème réel à résoudre. » (1)
L’auto-construction des savoirs: l’élève doit construire lui-même de manière concrète ses réponses à ce problème. Il est l’auteur de sa réponse et c’est en faisant des hypothèses, en les validant par la pratique qu’il parvient à construire lui-même ses savoirs. Ainsi, la question liée à la sculpture du vide et du plein, de la légèreté, de l’ouverture deviendra naturelle pour lui. Et c’est avec un nouveau regard, cette fois-ci averti, qu’il va regarder les nouvelles sculptures, ses difficultés de réalisation, la prouesse artistique également. Il appréciera un Canova après avoir tâtonné, tandis que sans avoir été confronté à ce problème ouvert, il n’y serait pas spontanément arrivé.
Le sens: Par la confrontation à des problèmes ouverts, les élèves mettent du sens là où ils ne percevaient rien. Donner des tâches à exécuter aux élèves ne leur apprendra rien. En revanche, il est important d’aiguiser leur curiosité par des situations problèmes. C’est leur donner des clés pour trouver du sens à l’art autrement que par le biais de la simple émotion. L’art n’est pas qu’émotion indicible et parfois indéfinissable. Il est langage qui agit sur nos sens et selon des questionnements précis.
Comment c’est fait ? Cette question est importante quand on cherche à mettre en place des situations problème. Qu’est-ce qui taraudait l’artiste ? Pourquoi la Joconde fait-elle toujours autant parler et écrire. Quel était le but ou les buts de Léonard de Vinci ?
Des convictions: monter des situations problèmes c’est avoir confiance en ses élèves: qu’ils pourront déployer bien des stratégies pour répondre à ces questions. Une consigne où figure la réponse à la question reflète un manque de confiance en les élèves. Mais on peut avoir des craintes que les élèves n’y arrivent pas spontanément. Pour cela, il faut s’imaginer plusieurs cas de réponses prossibles en intégrant également l’imprévu et d’être prêt à le recevoir. Nous ne pouvons pas tout prévoir.
Des situations problèmes ou le malin pourrait avoir le dernier mot: « Paysage blanc sur un fond blanc ». L’idée peut paraître géniale mais l’élève paresseux qui rendra feuille blanche devrait avoir 20/20. Cela veut dire qu’il manque un indice à votre situation problème. La consigne est à revoir pour éviter ce genre de réponse qui pourrait être bonne si l’élève a par exemple fait une suite de recherches et achevé celles-ci par une feuille blanche. « Série de trois paysages de plus en plus blancs sur un fonds blancs ». Là, le problème permet de ne pas autoriser les élèves à rendre copie blanche. Celle-ci ne peut intervenir qu’après un processus de recherches.
Comment procéder pour créer des situations problèmes ?
Une posture :
La situation problème est un état d’esprit, un rapport questionnant au réel, c’est une approche active de la réalité concrète avec l’idée qu’elle n’est pas la même pour tous. Cette posture divergente est la clé de voûte des situations de ce genre.
Il y a plusieurs entrées pour créer des situations problèmes mais elles nécessitent trois choses:
« – la volonté d’apprendre quelque chose de précis aux élèves mais de manière non linéaire tout en acceptant l’inattendu. Ne pas attendre des réponses toutes faites.Deux à trois solutions ne suffisent pas pour créer une situation problème.
– une forte conviction que les élèves sont tous capables d’apprendre par eux-mêmes et une volonté de chercher à cerner leur zone proximale de développement, tout en sachant prendre le risque de les mettre en insécurité : » (1) vous pourrez constater au moment de la passation de la consigne un vide sidéral : il y a deux possibilités:
- soit votre problème est un faux-problème
- soit les élèves sont en pleine réflexion pour pouvoir le résoudre.
C’est la raison pour laquelle si jamais les élèves ne se lancent pas instantanément dans la recherche, ce n’est pas grave: c’est normal. Ils réfléchissent à la diversité des possibles et vont être amenés à faire des choix. Cette réflexion sur leurs apprentissages se nomme la métacognition. Les situations problèmes favorisent cette manière de penser sur sa propre pensée.
– une grande rigueur dans la définition de la tâche et des conditions d’exécution.
L’observation :
C’est en observant ce qui dans une oeuvre d’art peut poser problème à un élève qui va permettre de créer une vraie situation problème.
« Il est nécessaire d’isoler quelques connaissances ou concepts et repérer ce qui peut faire obstacle à la compréhension du phénomène observé ; c’est cet obstacle qu’il faut correctement identifier. Il est souvent utile de le situer par rapport à l’histoire de ces savoirs et les ruptures épistémologiques5 qui s’y rattachent. Cette étude préliminaire permet de lister les paradoxes, les options différentes possibles, les faits qui surprennent, les sujets qui impliquent fortement les élèves. Elle permet également de réunir une base documentaire suffisamment large et pertinente pour que chacun puisse aborder le problème dans sa complexité. » (2)
Pour aller plus loin, cette vidéo sur les décisions prises en situation d’incertitude:
(1)http://www.lmg.ulg.ac.be/articles/situation_probleme.html#ancre741871
http://slideplayer.fr/slide/1188924/
Cliquer pour accéder à 16_RA16_C4_APLA_difference-_probleme-question_DM_625624.pdf
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