Comment réagit notre cerveau lorsqu’on doit prendre une décision dans une situation d’incertitude ?
Cette question concerne l’enseignement des arts plastiques. En effet, plonger un élève face à une situation problème revient à le placer devant une multitude de choix possibles et donc à lui demander de prendre une décision dans l’incertitude. Mais c’est une incertitude positive dont il est question en cours d’arts plastiques car l’élève n’est pas plongé devant un choix cornélien à faire. L’enjeu n’est pas non plus vital. Mais il est intéressant de comprendre le point de vue des neurosciences et des sciences de la cognition en matière de décision.
Valentin Wyart, laboratoire de neurosciences cognitives (retranscription de sa conférence)
Qu’est-ce qu’une décision ?
Plusieurs types de décision : Choix entre plusieurs objets ou actions possibles en fonction de la connaissance dont on dispose sur le contexte du choix et d’objectifs à atteindre, exprimés par des préférences
• Décision microscopique : beaucoup de décisions élémentaires à prendre (ex : décision de précédence entre tâches dans un plan) combinatoire à gérer, critères simplifiés, aspect temporel: elles se déroulent dans le temps.
• Décision macroscopique : un choix de haut niveau parmi quelques alternatives (choix d’un site pour une centrale) pas de combinatoire mais évaluation complexe, statique.
La décision en arts plastiques est à la fois micro et macroscopique !
Prendre une décision c’est choisir entre plusieurs schémas d’actions possibles.
Une bonne décision suppose d’avoir identifié toutes ces possibilités.
Comprendre l’origine de la variabilité des décisions humaines en situation d’incertitude.
« Nous prenons tous des milliers de décisions par jour. Certaines sont très simples et d’autres plus difficiles. Certaines sont prises rapidement et d’autres plus lentement.
On peut tout à fait comprendre que les élèves ne vont pas réagir tous avec la même vitesse. Le temps de cette prise de décision est un temps de travail intense au niveau de la cognition: l’élève mesure, interroge, pense à des solutions, imagine, projette aussi. Devant l’incertitude, certains élèves pourront être perplexes et ne rien rendre dans un premier temps.
Définition d’incertitude : état de quelqu’un qui ne sait quel parti prendre ou état plus ou moins préoccupant de quelqu’un qui est dans l’attente d’une chose qui peut se produire ou non.
Le rôle de la mise en commun après le temps de pratique est de permettre également à ces élèves paralysés face à l’incertitude, de prendre position. Tout le monde n’est pas leader en matière de décision. Et parfois, les plus rapides ne sont pas les plus efficaces. Il faut savoir laisser à l’élève le temps de cogiter son intention et de se lancer dans l’action.
Pour mesurer cette situation d’incertitude de manière scientifique, on va demander à quelqu’un de combiner des sources d’informations ambiguës voire contradictoires à partir desquelles il va devoir prendre une seule décision.
Les raisonnements probabilistes sont des situations qui mettent en difficulté les personnes à qui on demande de prendre des décisions.
L’apprentissage par renforcement: par exemple des décisions de machines à sous. Par déduction, et répétition, le choix va être fait.
La répétition des situations problèmes va être petit à petit assimilée par les élèves qui ne verront plus cette incertitude comme complexe mais comme un champ de possibles à conquérir.
Des biais cognitifs en situation d’incertitude:
(large variabilité des décisions humaines)
Des biais de confirmation: le sujet va chercher des informations qui vont valider et affirmer sa décision (les algorithmes de Facebook qui vous présentent selon vos goûts des sujets qui pourraient vous intéresser)
Des biais de récences: on a tendance à favoriser une information nouvelle par rapport à une ancienne
Des biais d’optimisme: on a tendance à favoriser les bonnes surprises que les mauvaises. Les bonnes nouvelles ont plus d’impact chez le sujet.
Comment peut-on modéliser une prise de décision ?
par des équations mathématiques on observe les prises de décision et celles-ci les mettent en forme. Puis par des calculs, on est capable de prédire ce que le sujet va prendre comme décision dans une nouvelle situation.
Le but commercial est de prédire les décisions futures des acheteurs. Par exemple Amazon propose des articles en fonction de ce que nous avons consulté sur le site.
Le but scientifique est de comprendre ce qui déclenche telle prise de décision.
Et l’intuition, alors ?
L’intuition suppose beaucoup d’expériences préalables, et une
idée claire de ce que l’on vise.
1.Phases d’identification de la décision:
Rassembler l’information extérieure
Faire appel à ses savoirs et expériences
Faire un diagnostic
2.Phase de préparation des solutions :
Imaginer les diverses éventualités
Imaginer les actions possibles
Comparer et évaluer les possibilités
3.Phase de décision et d’action :
Mise en oeuvre de la décision.
Observation du résultat et sa conformité avec la décision
Les neurosciences montrent que dans bien des cas les émotions prennent le dessus dans les prises de décisions dans des situations d’incertitude.
Il est intéressant de remarquer que les sciences s’interrogent sur les prises de décision en situation d’incertitude notamment dans le domaine financier, situations à risques telles que les séismes, et politiques.
Il est intéressant de comprendre ces mécanismes que les élèves vont mettre en oeuvre en ayant présent à l’esprit qu’une seule bonne décision n’est pas l’objectif visé mais une variété de réponses possibles. Mais ce qui fait la richesse et l’efficacité de ces cours d’arts plastiques est le fait de leur demander de prendre des décisions, de faire des choix dans le domaine de l’action. La récompense de cette décision ne sera pas économique mais « sociale »: le choix de l’élève sera reconnu par ses pairs.
Le problème n’est pas de gérer l’incertitude mais d’apprendre aux élèves de se gérer dans l’incertitude. L’approche socio-constructiviste de nos cours gèrent cela. L’élève sait qu’il n’est pas seul face à ce problème ouvert ce qui relativise le climat incertain. Puis, après avoir traversé quelques situations incertaines, c’est une nouvelle posture que l’élève va acquérir: celle de choisir un « possible » avec la certitude que sa proposition figure dans le champ des « possibles ».
La conférence en vidéo: