La secondarisation en arts plastiques

On peut considérer la tâche scolaire comme l’ossature sur laquelle reposent les apprentissages mais qui en elle même n’en permet pas l’aboutissement. La tâche est ce qui relie l’élève au savoir et à l’enseignant. L’élève dans la tâche à accomplir est pleinement dévoué à celle-ci sans forcément prendre du recul. Pour structurer ces apprentissages et formaliser ces compétences, il est nécessaire à l’élève de prendre de la distance sur ce qu’il est en train d’accomplir afin d’en percevoir le sens.

Cette distanciation sur les savoirs et les compétences relève de la secondarisation. Secondariser consiste à réfléchir sur la tâche exécutée et à en approcher le sens. Si le maître ou l’enseignant ne conduit pas cette réflexion chez les élèves, ceux-ci ne pourront pas mettre du sens dans leurs apprentissages. La parole posée sur les actes est fondamentale. C’est elle et par elle que l’élève construit ses compétences.

« Les genres premiers peuvent ici être décrits comme relevant d’une production spontanée, immédiate, liée au contexte qui la suscite et n’existant que par lui, dans l’oubli d’un quelconque apprentissage ou travail sous-jacent. « Ils naissent de l’échange verbal spontané, ils sont fortement liés à l’expérience personnelle du sujet » (Schneuwly, 1994). » (1) Dans nos cours d’arts plastiques, cela correspond au premier temps de pratique où l’élève est confronté à une situation problème.

Les genres sont seconds, lorsque, fondés sur les premiers, ils les travaillent, les ressaisissent dans une finalité qui évacue la conjoncturalité de leur production, ils supposent une production discursive qui signifie bien au-delà de l’interaction dans laquelle elle peut conjoncturellement se situer. »(1) Dans nos cours, cette phase correspond à la mise en commun ou aux questions que peuvent poser les enseignants aux élèves pendant la pratique. L’élève sait quand il s’exprime: il se remémore ses gestes, constate les conséquences de la consigne dans sa production plastique et pose des mots sur ses actes. Les connaissances et compétences prennent alors du sens et c’est par ce dernier que les apprentissages seront fixés. « Le concept de compétence met en lumière à la fois la nécessité et la difficulté de l’intégration et de la mobilisation des savoirs et savoir-faire construits. Le concept de compétence interroge donc les fondements mêmes de l’apprentissage. » (2)

Ce qui ressort de cette secondarisation c’est cette liberté d’acquisition des savoirs par les élèves. En effet, la secondarisation, même guidée par l’enseignant, se fera de manière personnelle chez l’élève. C’est ainsi que nous voyons que plusieurs chemins peuvent mener aux mêmes compétences, aux mêmes savoirs. Il n’y a pas qu’une seule voie et voix imposées. Cette secondarisation est ce qui donne vie aux apprentissages, une vie protéiforme et réactive. La secondarisation est une mise en scène parlée des compétences exercées en jeu de manière intuitive par l’élève par le biais de la réflexion et de la parole.

Le jeu de questions posées par l’enseignant est primordial. Il doit partir des propos de l’élève et en véritable maïeuticien, l’amener à conceptualiser ce qu’il a fait.

« Car les tâches scolaires ne sont en fait que des tâches prétextes. Elles ne sont que le support à la transformation de soi, à une activité constructive d’apprentissage, à une activité de développement des compétences et connaissances du sujet. Elles ne possèdent pas de but en soi. Leur raison d’être est à rechercher ailleurs. Les élèves doivent considérer les objets scolaires qui sont des objets à apprendre comme des objets sur lesquels ils peuvent exercer des activités de pensée. » (2)

« La subjectivation nécessite une prise de conscience (de l’élève ainsi que de l’enseignant) de l’enjeu et du sens scolaire des apprentissages réalisés à l’école. Outre cette prise de conscience, la subjectivation requiert un engagement intentionnel à construire du sens, tant dans le chef de l’élève que dans celui de l’enseignant. La question du sens de l’activité scolaire relève d’un rapport entre les résultats immédiats attendus (buts de la tâche) et les raisons qui incitent à agir (mobiles) : buts et mobiles d’enseigner d’une part, buts et mobiles d’apprendre, de l’autre. » (2) L’enseignant ne doit pas seulement déterminer un objectif mais aussi un « pourquoi » de ses séquences. Les mobiles sont déterminants dans la posture de l’enseignant. Sans mobile, l’enseignable et l’enseigné sont réduits à des opérations premières : de l’ordre de l’exécution.

Mais cette secondarisation est-elle de l’ordre de l’opinion ou du savoir ? Est-elle subjective ou alors tend-elle vers une plus grande objectivité ? La réponse est dans le Socle commun de compétences de connaissances et de culture : l’élève part de son opinion, de son ressenti pour accéder petit à petit au savoir et c’est avec les mises en commun avec ses pairs qu’il atteindra davantage d’objectivité.

 

(1) http://www.recherches.philippeclauzard.com/INRP_RF148_SECONDARISATION_BAUTIERGOIGOUX.pdf

(2) Charlotte Bouko, Julie Lauwers, Françoise Robin & Sylvie Van Lint

(3) Pierre Plastré https://educationdidactique.revues.org/1264

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