Saint Sébastien est une peinture à l’huile sur panneau transposée sur toile (171 × 85,5 cm) d’Antonello de Messine, réalisée vers 1478 et conservée à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde. Les dimensions sont presque à l’échelle humaine. Le Saint s’affiche avec un magistral contrapposto.
La composition est minimaliste: symétrique avec un point de fuite central unique : les lignes obliques du pavement et celles des bâtiments se coupent en un seul point.
Ce qui frappe dans cette peinture c’est la place centrale du bassin de Saint Sébastien au centre de la toile. Tout s’organise autour de lui. Le corps occupe la quasi totalité de la surface du panneau. Il est criblé de flèches mais dont aucune atteint son coeur. Saint Sébastien est le patron protecteur des épidémies. Les flèches symbolisent la peste gagnant la ville mais où le Saint s’interpose afin qu’elles n’atteignent pas la cité. Le Saint ne semble pas souffrir de ses blessures, il a les yeux rêveurs et la bouche légèrement entrouverte ce qui est rare pour l’époque.
La composition n’est pas tout à fait symétrique et le regard ne cesse d’osciller de gauche à droite et de droite à gauche comme pour jouer au jeu des différences.
Quelle place occupe le spectateur face à ce panneau ? C’est la place des archers tirant des flèches en direction du Saint mais prenant bien soin de ne pas le tuer. Le nombre de flèches est minimaliste par rapport aux représentations traditionnelles du « Saint hérisson » selon l’expression célèbre de Jacques de Voragine.
Carlo Crivelli, Saint Sébastien
A gauche se trouve un personnage représenté en raccourci très audacieux pour l’époque.
Andréa Mantegna reprendra cette représentation du corps en perspective en 1480 dans son Christ mort.
La perspective est rasante et place le regard du spectateur dans une position inférieure au saint. Ce point de vue rasant permet de donner une place imposante au Saint. Les lignes du carrelage sont toutes en obliques et le sol est fuyant.
Mais il y a un détail passant totalement inaperçu dans le tableau qui à lui seul, pourtant si insignifiant, met en péril le jeu complexe de la mise en perspective où tout est bien composé selon les lois euclidiennes.
Un petit bout de papier tombé au sol, peint frontalement dans des teintes qui se fondent avec celles du sol, vient perturber la percée du visible dans le tableau.
On dirait un reliquat de ces pierres peintes par les artistes de l’époque imitant les surfaces de la pierre. Petit bout de papier froissé, la peinture se fait tache à l’intérieur. Petit bout de papier rouillé, usé, flétrit qui n’obéit pas aux règles de la perspective. Il appartient à un autre monde: celui de la peinture brute, frontale, littérale. C’est une souillure dans la transparence du visible suivant les règles de la mimesis.
IL y a une insciption sur ce bout de papier. On distingue des lettres sombres. Reste d’un cartel ou d’un phylactère ? Cette zone rebelle dans le visible renforce la frontalité du tableau. Antonello da Messina conserve ainsi un lien avec les oeuvres du passé hiératiques et frontales. Il ne reste plus qu’un bout de papier tombé par terre de cette période picturale dans l’histoire de l’art. Cette fovéa dans le visible opère un fantastique contraste avec la monumentalité du tableau: gigantesque perspective versus détritus jeté au sol.
Ce bout de papier est paradoxal: à la fois il renforce et annule la percée dans le visible. On aurait presque envie de le nettoyer avec un geste de la main. Ce détritus maculant la ville impeccable ne passe plus inaperçu quand on l’a pris avec le lasso de notre regard.
Ces petits papiers flottants ou déchus sont présents dans d’autres peintures de Messina.
Saint Jérôme, un papier est collé sur la paroi d’un mur intérieur …

Artist: Antonello da Messina
Date made: about 1475
Source: http://www.nationalgalleryimages.co.uk/
Contact: picture.library@nationalgallery.co.uk
Copyright © The National Gallery, London
Salvator Mundi
Les autres peintures montrent qu’il s’agit d’un cartouche peint dans le tableau avec un effet à la fois frontal et hyperréaliste.
La reproduction de Saint Sébastien de Messina provient d’un site sérieux d’étudiants de la Sorbonne et de Wikipedia. (1) La source peut nous paraître fiable ainsi que la présence de ce morceau de papier dans d’autres oeuvres de Messina.
Or dans les reproductions que l’on peut trouver sur le net, le bout de papier a disparu… comme quoi ce détail est bien embarrassant …
Ainsi dans l’encyclopédie Larousse, le papier à disparu … c’est une source fiable aussi.
Comment expliquer cela ? Quelle est la bonne version de cette peinture ?
si un internaute a vu ou va voir cette peinture, peut-il regarder si ce détail figure bien dessus ? Sa présence ou non change radicalement l’interprétation de l’oeuvre.
Le site du lieu d’exposition de la toile montre dans la reproduction que le bout de papier figure bien sur le sol. Mais j’avoue ne pas savoir à quel saint me vouer …
Les cartouches présents dans les tableaux deviendront par la suite un authentique sujet de peinture à part entière.
GYSBRECHTS Cornélis (v1630-1675), Trompe-l’oeil, 1670,
huile sur toile, 66,6×86, 5 cm, Statens Museum for Kunst, Copenhague.
http://skd-online-collection.skd.museum/de/contents/showSearch?id=177046
Bravo
C’est très irritant de ne pas savoir si ce morceau de papier fait partie ou non de la toile …
Jacopo de Barbari, peintre vénitien en 1504 signait sur un bout de papier