Fantaisie sur la réalité augmentée

La question de la réalité augmentée est au coeur des débats sur le numérique. Comme origine de cette réalité est proposé le mythe de la Caverne de Platon. C’est Antonin Artaud qui le premier évoque la réalité virtuelle à propos du théâtre. Les Ambassadeurs de Hans Holbein montrent une autre réalité en fonction du point de vue du spectateur. La masse informe aux pieds des ambassadeurs est un crâne qui apparaît quand on regarde la forme de manière oblique.

M. Stéphane Vendé, dans une conférence passionnante publiée sur le réseau Canopé, précise les termes de réalité, réel, virtuel pour tenter de donner une définition de la réalité augmentée.

« Le réel est ce qui est » (monde réel matériel concret et monde idéel abstrait)

« La réalité est une représentation individuelle ou collective, sensible ou intelligible de ce qui est. »

« Le virtuel : ce qui est en puissance, qui peut être mais qui ne se réalise pas. »

La réalité augmentée est de deux ordres:

  • -1Numérisation du monde réel concret
  • -2Numérisation des idées (idéel intellectuel abstrait)
  • La réalité augmentée/virtuelle est la fusion des deux mais dans des proportions opposées.

Puissance en acte et réalisation du virtuel sont au coeur de cette réalité augmentée.

Pour affiner ce regard sur la réalité augmentée ne devrait-on pas s’interroger sur les deux formes essentielles qui qualifient la réalité soient l’espace et le temps ?

N’y aurait-il pas deux formes distinctes d’augmentation de cette réalité selon qu’on la considère soit du point de vue de l’espace soit celui du temps ?

Peut-on augmenter le temps ? Pourquoi seul l’espace semble être augmenté dans cette réalité ? La perception du temps serait-elle liée à l’espace ?

 

`Il me semble qu’aborder les oeuvres contemporaines intégrant la réalité augmentée/virtuelle par le prisme de l’espace et du temps nous donnerait bien des pistes de compréhension de ces nouvelles formes artistiques souvent bien disparates. Le dispositif numérique peut-il à lui seul étiqueter ces différentes catégories ? La définition philosophique est la seule à mettre du sens dans ces réalités qui se télescopent.

La réalité augmentée/virtuelle devient beaucoup plus questionnante si on la considère d’après ces deux formes pures.

Comment classer City Life de Steve Reich en 1995 qui augmente les sons de l’orchestre symphonique, commande de (réduit), l’ensemble modern (allemand), du London sinfonietta et de l’ensemble intercontemporain (France, fondé par Boulez) avec des bruits enregistrés de la ville de New-York ?

 

Il y a un autre type de réalité : la réalité restituée: quand il s’agit d’enregistrements de la réalité concrète. La conférence par exemple de Stéphane Vendé est une réalité restituée dans laquelle s’insère de la réalité augmentée lorsqu’il diffuse des sons/vidéos préenregistrés.

La réalité mixte : :

« A la différence de la réalité augmentée, la réalité mixte ajoute des objets de synthèse dans l’environnement réel sous la forme d’un hologramme avec lesquels l’utilisateur peut interagir. Ce qui est donc souvent appelé réalité augmentée relève en fait de la réalité mixte. Un dispositif de type lunettes est indispensable pour la MR.  » (2)

Un rétroviseur dans une voiture: RV, RA, RM, RR ?

Quelle sera la relation aux œuvres d’art chez les jeunes en 2050 avec la révolution de la réalité augmentée ? Quelles seront leurs représentations artistiques avec ces changements technologiques ? Quelle sera la structure de leur mentalité ? Comment vivront-ils cette frontière plus ou moins ténue entre réalité et virtualité ?

L’école a comme mission d’éduquer les élèves à discriminer ce qui est de l’ordre de la réalité et de la fiction. Quelle réflexion menée autour de la réalité augmentée ? Plusieurs définitions : une philosophique et une « techniciste ». Est-ce le casque qui détermine la nature de la réalité virtuelle ou augmentée ou le contenu exposé au spectateur, son interactivité, sa perception et la nature de ce qui se déroule devant lui ?

Les musées eux-mêmes se dotent d’outils pour augmenter la réalité des œuvres d’art. Orsay, par exemple avec l’Atelier du peintre de Courbet. La RA est essentiellement liée à la connaissance de personnages figurant sur la toile. Le sens n’est pas transmis.

Mais là, ce n’est pas la faute de la RA mais du contenu imaginé et intégré qui n’est pas à la hauteur de mes attentes en tant que pédagogue des arts plastiques.

Dans les Musées, comme chez les guides ou les exégètes de l’art, un point de vue sur l’œuvre est adopté montrant des parties pour en occulter d’autres. Connaître le contexte historique ou littéraire c’est bien, toucher au sens plastique de l’oeuvre c’est mieux.

Des enfants de primaire feront-ils la différence entre le tableau et la tablette ? L’œuvre pour eux ne sera-t-elle pas la combinaison des deux ?

La question n’est pas de savoir si c’est bon ou pas de laisser pénétrer la RA dans les Musées mais de tâcher de comprendre comment (et ils vont y arriver) les élèves se forgeront eux-mêmes une interprétation de l’œuvre d’art. Quelles seront les définitions de l’œuvre d’art données par ces nouvelles générations ?

C’est exactement les mêmes questions qui ont été soulevées avec la naissance de l’imprimerie, avec la télévision, internet et maintenant la réalité virtuelle ou augmentée. Les élèves sont beaucoup plus intelligents et plastiques qu’on ne le pense. Et ce sont eux qui forgeront les définitions à venir de l’art qui ne cesse d’évoluer avec le temps. L’avènement des réalités virtuelles et augmentées redéfinissent le cadre de l’art autant que le ready-made de Marcel Duchamp.

Ainsi en l’accélérant, grâce à la numérisation du monde réel concret matériel et abstrait idéel, le projet moderne, que l’on croyait mort, de « se rendre comme maître et possesseur de la nature ». Pour le meilleur, espérons-le. » Stéphane Vendé

Pour finir, une expérience amusante:

(1)http://www.parismatch.com/Culture/Art/ORLAN-tombe-les-masques-599032

(2) http://www.realite-virtuelle.com/realite-mixte-definition-exemples-0106

2 commentaires

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Fantaisie sur la réalité augmentée

La question de la réalité augmentée est au coeur des débats sur le numérique. Comme origine de cette réalité est proposé le mythe de la Caverne de Platon. C’est Antonin Artaud qui le premier évoque la réalité virtuelle à propos du théâtre. Les Ambassadeurs de Hans Holbein montrent une autre réalité en fonction du point de vue du spectateur. La masse informe aux pieds des ambassadeurs est un crâne qui apparaît quand on regarde la forme de manière oblique.

M. Stéphane Vendé, dans une conférence passionnante publiée sur le réseau Canopé, précise les termes de réalité, réel, virtuel pour tenter de donner une définition de la réalité augmentée.

« Le réel est ce qui est » (monde réel matériel concret et monde idéel abstrait)

« La réalité est une représentation individuelle ou collective, sensible ou intelligible de ce qui est. »

« Le virtuel : ce qui est en puissance, qui peut être mais qui ne se réalise pas. »

La réalité augmentée est de deux ordres:

  • -1Numérisation du monde réel concret
  • -2Numérisation des idées (idéel intellectuel abstrait)
  • La réalité augmentée/virtuelle est la fusion des deux mais dans des proportions opposées.

Puissance en acte et réalisation du virtuel sont au coeur de cette réalité augmentée.

Pour affiner ce regard sur la réalité augmentée ne devrait-on pas s’interroger sur les deux formes essentielles qui qualifient la réalité soient l’espace et le temps ?

N’y aurait-il pas deux formes distinctes d’augmentation de cette réalité selon qu’on la considère soit du point de vue de l’espace soit celui du temps ?

Peut-on augmenter le temps ? Pourquoi seul l’espace semble être augmenté dans cette réalité ? La perception du temps serait-elle liée à l’espace ?

 

`Il me semble qu’aborder les oeuvres contemporaines intégrant la réalité augmentée/virtuelle par le prisme de l’espace et du temps nous donnerait bien des pistes de compréhension de ces nouvelles formes artistiques souvent bien disparates. Le dispositif numérique peut-il à lui seul étiqueter ces différentes catégories ? La définition philosophique est la seule à mettre du sens dans ces réalités qui se télescopent.

La réalité augmentée/virtuelle devient beaucoup plus questionnante si on la considère d’après ces deux formes pures.

Comment classer City Life de Steve Reich en 1995 qui augmente les sons de l’orchestre symphonique, commande de (réduit), l’ensemble modern (allemand), du London sinfonietta et de l’ensemble intercontemporain (France, fondé par Boulez) avec des bruits enregistrés de la ville de New-York ?

 

Il y a un autre type de réalité : la réalité restituée: quand il s’agit d’enregistrements de la réalité concrète. La conférence par exemple de Stéphane Vendé est une réalité restituée dans laquelle s’insère de la réalité augmentée lorsqu’il diffuse des sons/vidéos préenregistrés.

La réalité mixte : :

« A la différence de la réalité augmentée, la réalité mixte ajoute des objets de synthèse dans l’environnement réel sous la forme d’un hologramme avec lesquels l’utilisateur peut interagir. Ce qui est donc souvent appelé réalité augmentée relève en fait de la réalité mixte. Un dispositif de type lunettes est indispensable pour la MR.  » (2)

Un rétroviseur dans une voiture: RV, RA, RM, RR ?

Quelle sera la relation aux œuvres d’art chez les jeunes en 2050 avec la révolution de la réalité augmentée ? Quelles seront leurs représentations artistiques avec ces changements technologiques ? Quelle sera la structure de leur mentalité ? Comment vivront-ils cette frontière plus ou moins ténue entre réalité et virtualité ?

L’école a comme mission d’éduquer les élèves à discriminer ce qui est de l’ordre de la réalité et de la fiction. Quelle réflexion menée autour de la réalité augmentée ? Plusieurs définitions : une philosophique et une « techniciste ». Est-ce le casque qui détermine la nature de la réalité virtuelle ou augmentée ou le contenu exposé au spectateur, son interactivité, sa perception et la nature de ce qui se déroule devant lui ?

Les musées eux-mêmes se dotent d’outils pour augmenter la réalité des œuvres d’art. Orsay, par exemple avec l’Atelier du peintre de Courbet. La RA est essentiellement liée à la connaissance de personnages figurant sur la toile. Le sens n’est pas transmis.

Mais là, ce n’est pas la faute de la RA mais du contenu imaginé et intégré qui n’est pas à la hauteur de mes attentes en tant que pédagogue des arts plastiques.

Dans les Musées, comme chez les guides ou les exégètes de l’art, un point de vue sur l’œuvre est adopté montrant des parties pour en occulter d’autres. Connaître le contexte historique ou littéraire c’est bien, toucher au sens plastique de l’oeuvre c’est mieux.

Des enfants de primaire feront-ils la différence entre le tableau et la tablette ? L’œuvre pour eux ne sera-t-elle pas la combinaison des deux ?

La question n’est pas de savoir si c’est bon ou pas de laisser pénétrer la RA dans les Musées mais de tâcher de comprendre comment (et ils vont y arriver) les élèves se forgeront eux-mêmes une interprétation de l’œuvre d’art. Quelles seront les définitions de l’œuvre d’art données par ces nouvelles générations ?

C’est exactement les mêmes questions qui ont été soulevées avec la naissance de l’imprimerie, avec la télévision, internet et maintenant la réalité virtuelle ou augmentée. Les élèves sont beaucoup plus intelligents et plastiques qu’on ne le pense. Et ce sont eux qui forgeront les définitions à venir de l’art qui ne cesse d’évoluer avec le temps. L’avènement des réalités virtuelles et augmentées redéfinissent le cadre de l’art autant que le ready-made de Marcel Duchamp.

Ainsi en l’accélérant, grâce à la numérisation du monde réel concret matériel et abstrait idéel, le projet moderne, que l’on croyait mort, de « se rendre comme maître et possesseur de la nature ». Pour le meilleur, espérons-le. » Stéphane Vendé

Pour finir, une expérience amusante:

(1)http://www.parismatch.com/Culture/Art/ORLAN-tombe-les-masques-599032

(2) http://www.realite-virtuelle.com/realite-mixte-definition-exemples-0106

2 commentaires

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s