Jean Chanoir,
Né en 1955 à Clamart, il vient à la peinture de façon autodidacte. Il se crée son propre style particulier inclassable, à la force de ses couleurs et de ses contours. Il puise dans l’art du passé des formes et des structures qu’il organise à sa manière.
– Comment êtes-vous venu à la peinture ?
-j’ ai l’impression que j’ai commencé à la maternelle, comme tout le monde, et que je n’ai jamais vraiment arrêté, quoique je puisse avoir de longues périodes sans toucher un pinceau.
Les cernes structurent certaines toiles en indiquant la profondeur. Plus épais au premier plan, ils s’affinent au second plan.
Dans le Martyre de Saint Glinglin, la profondeur est indiquée par l’épaisseur des contours et par la couleur. Il y a comme une schématisation d’une perspective atmosphérique à l’arrière plan.
Les peintures sont hautes en couleur ou le bleu et le jaune ont une grande importance.
– Le bleu et le jaune ont-ils une signification particulière pour vous ?
-En fait, je serais plutôt bleu/orange mais si j’ai eu ma « période bleue » , c’est le contraste ou la déclinaison qui m’intéresse, plus que la couleur pure.
Furia
Les formes s’emboîtent comme dans un puzzle géant. Il n’y a pas de vide dans les peintures de Chanoir. Tout est rempli par une quantité de détails insolites.
– Vos toiles sont pleines. Appréhendez-vous le vide ?
-comme je vous l’ai dit dans un message précédent, je ne crois même pas à l’existence du vide.Le monde est si complexe qu’aucune œuvre d’art ne saurait rivaliser avec le moindre de ses fragments.Un type-qui-savait m’avait pronostiqué qu’en vieillissant, j’allais aller vers la sobriété et l’épure. En ce qui me concerne, je crois que c’est raté.
– Le contour structure la représentation dans vos toiles. Est-ce par lui que la profondeur se joue dans vos peintures ?
-Au départ, c’est ma fascination pour les vitraux des cathédrales qui m’a influencé.
Telles des visions chaotiques, ses peintures sont organisées autour d’une pulsion celle de peindre et de dessiner.
La Belle et la bête, 2007
– Vous êtes gardien de nuit. Quel est le pays d’accueil de vos rêves en couleurs : le Mexique ? L’Amérique latine ?
– Pour des raisons de santé, je ne suis plus gardien de nuit. En ce moment, je fais le taxi pour enfants handicapés .Mais mon pays rêvé, c’est banal, serait la Polynésie, comme Gauguin, ou n’importe quel pays avec du soleil, de la mer et des palmiers.Mais je suis influencé par toute peinture pourvu qu’il y ait du mouvement, du monde et des couleurs vives. J’aime trouver des correspondances entre les civilisations des précolombiennes aux asiatiques en passant par l’Afrique. Ce côté universel de l’art me rassure, à défaut de me rendre optimiste. Comme Pirandello, je pense que « l’art venge la vie ».
– Vous vous inspirez de différents peintres, Matisse, Picasso et même Escher n’est-ce pas ?
-oui, ainsi que les indiens Huichols, comme vous l’avez remarqué, les aborigènes, le Douanier Rousseau, Botticcelli, Paolo Uccelo,les Futuristes, Dali, Clovis Trouille, Delvaux, les expressionnistes,surtout les Allemands, Klimt, Rouault,Renoir,Modigliani, Fernand Leger, Raphael, Keith Haring, et tant et tant d’autres.
L’art de Chanoir peut nous faire penser à la peinture mexicaine des Huichols avec ses couleurs contrastées et avec ses contours affirmés.
Mais les références à la peinture de Picasso et de Matisse sont nombreuses. Dans Trouble, il représente une scène qui pourrait être le négatif de la Desserte Rouge de Matisse.
La fenêtre devient un cadre chez Chanoir, l’intérieur une vue sur la ville. Cette inversion est subtile et très forte.
Une autre peinture inspirée par Matisse :
Cette Lady Mac Beth
Dans cette toile ci-dessous, la parenté avec Escher est évidente.
Ici Van Gogh,
Dans cette peinture La Belle et la Bête, il y a comme une émanation des Demoiselles d’Avignon. La tête de la Bête peut faire penser aux masques dans la peinture de Picasso.
Et dans cette Pieta, l’artiste montre sa connaissance des peintures sacrées du passé.
On dirait que cette peinture a été passée aux rayons X. On voit à travers les corps et les visages comme un squelette redessiné.
– Votre peinture « trouble » est comme une sorte de négatif de la « desserte rouge » de Matisse. L’avez-vous fait volontairement ?
-Non, ce n’était pas volontaire. Ce tableau m’a été inspiré par ces panneaux publicitaires plantés dans des banlieues sordides où l’on voit de modernes Vénus utilisées comme des icones vers qui convergent les fantasmes des gens auquels on essaie de vendre des parfums ou n’importe quoi d’autre.
Dans Piscine, tout est contours, courbes et contre-courbes. L’eau est habitées par des personnages épousant les ondulations de l’eau.
Les êtres et la nature semblent être parcourus par la même force, celle de leurs contours. Le contour ne serait-il pas énergie pure dans les pinceaux de l’artiste ? Une énergie qui rappellerait celle du Mana en Polynésie ?

Il n’est pas à confondre avec le street artiste Chanoir !
De ses toiles se dégage une énergie irradiante façonnant l’espace jusque dans ses moindres détails que la couleur et les contrastes transcendent. Des forces chaudes et froides se partagent son univers où les corps sont comme habités par des présences magiques. Tout semble relié dans ses peintures et animé par une énergie commune. Le contour n’est pas étranger à cette vitalité sourdissant dans les corps, les animaux et les choses. L’âme du monde paraît mystérieuse comme en quête d’une source hésitant entre la lumière et l’eau. Même le vide est occupé par des lignes, des formes et des contours. La présence paraît être le concept clé des peintures de Jean Chanoir : présence d’êtres, d’animaux et de choses mais aussi révélation de la présence d’une force vitale s’incarnant sous ses pinceaux. L’équilibre du monde émanerait-il de ses tensions ?
A la question posée : vos peintures ont-elles une dimension mystique ? Jean Chanoir nous répond :
» Comme beaucoup de ma génération, j’ai voulu lire un livre de Castaneda, mais il m’est tombé des mains.Il n’y rien de mystique dans ma peinture, mais peut être du spirituel au sens ou l’entendait Kandinsky. je m’intéresse aux mythes, et à leur correspondances Eros et Thanatos, etc…. Quand au vide, on sait depuis la physique quantique que cela n’existe pas. comme beaucoup de ma génération, j’ai voulu lire un livre de Castaneda, mais il m’est tombé des mains.Il n’y rien de mystique dans ma peinture, mais peut être du spirituel au sens ou l’entendait Kandinsky. je m’intéresse aux mythes, et à leur correspondances Eros et Thanatos, etc…. Quand au vide, on sait depuis la physique quantique que cela n’existe pas. ».J.C
Absolument superbe! Une source d’inspiration sans aucun doute. merci pour ce très bel article!