Quand on rapproche l’idée de patience avec celle de l’art, on imagine des oeuvres émaillées de détails, réalisées avec minutie par l’artiste. On ne songe pas spontanément à l’art contemporain mais plutôt à des oeuvres anciennes.
La Vierge au Chancelier Rolin, de Van Eyck en 1435, Musée du Louvre, représente une scène remplie de détails époustouflants.
Jérôme Bosch, dans Le Jardin des Délices, entre 1494 et 1505 au Musée du Prado, représente une vision fantastique dans un jardin imaginaire.
« Ce tryptique de Jérôme Bosch serait un speculum nuptiarum, c’est-à-dire un miroir nuptial, œuvre dont le but est d’instruire les nouveaux mariés sur l’importance du respect des liens du mariage. Néanmoins, il pourrait être un miroir aux princes, c’est-à-dire qu’elle constituerait une banque d’images-souvenirs provoquant la discussion entre les membres de la cour dans le but de les former moralement à leurs futures fonctions de gouvernants. » Wikipedia
La tenture dite de La Dame à la licorne est une composition de six tapisseries du début du xvie siècle. Chef-d’œuvre des débuts de la Renaissance française, elle est conservée au musée national du Moyen Âge-Thermes et hôtel de Cluny, à Paris.
La tapisserie de grande taille regorge de détails infinis. La trame de la tapisserie ajoute une autre dimension dans l’oeuvre : celle d’une patience inouïe.
Aujourd’hui dans ses collages photographiques saisissants qui semblent posséder l’infinie densité d’une fractale, l’artiste Yang Yongliang remet en question l’industrialisation non contrôlée, l’impact du changement climatique et les problèmes sociaux urgents dans sa Chine natale. Les paysages sont composés d’une infinité de détails contrastant avec la première impression de sérénité. Les montagnes représentées sont composées d’éléments urbains minuscules.
Yang Yongliang, Endless Streams, 2017. Single Channel 4K video, 7’00”, © Yang Yongliang / Courtesy Galerie Paris-Beijing
Roman Opalka a fait de son oeuvre Détails une discipline de vie digne d’un moine trappiste. Durant des années il a composé des toiles en égrenant des nombre de 1 à l’infini. « »L’année 1965 est un tournant dans la vie d’Opałka. L’artiste a enfin trouvé une raison de vivre, une idée artistique valant la peine d’être accomplie5. Pour lui, sa pratique de peintre conceptuel dépend en partie d’une solution philosophique qui permettrait d’accepter l’existence. La philosophie et l’art sont deux dimensions essentielles au peintre.
Son activité d’artiste rejoint les lois immuables de l’existence humaine : elle visualise l’irrémédiable écoulement d’un temps qui l’achemine vers sa propre fin. Il s’agit pour lui de « capter » le temps, de saisir l’instant, c’est un combat qu’il engage avec son propre corps et dont l’ultime conclusion est la mort. Chaque peinture faite étant en même temps une preuve incontestable de vie. » (1)
OPALKA 1965 / 1 – ∞ ; Détail 1-35327, tempera sur toile ; avec la permission de Roman Opałka et du Museum Sztuki
Joana Vasconcelos et la technique du crochet en est un autre exemple :
Piano Dentelle #3, 2016
Les installations spectaculaires de Chiharu Shiota sont de parfaits ecemple d’une minutie incroyable envahissant l’espace.
Il serait illusoire de croire que l’art contemporain se contente d’objets tous faits balancés tels quels sur la scène artistique. Dans son paysage se trouvent des oeuvres quasiment impensables et inouïes témoignant d’une grande obstination pour le détail et la minutie.
Wolfgang Laib dans ses carrés de pollen de pissenlits témoigne d’une grande patience quand on songe à sa récolte. » Sa pratique s’apparente à un rituel : lent polissage de la pierre, récolte et installation du miel ou du pollen, comme s’il s’agissait d’une offrande. L’œuvre achevée est minimaliste, épurée, et souvent fascinante : le jaune lumineux du pollen, ou l’odeur de miel des parois de la Maison de cire. Le travail de récolte et celui de l’installation sont similaires : silencieux, hypnotiques, » (2) Ce sont de véritables mandalas contemporains minimalistes …
En classe, les élèves s’adonnent volontiers à ce genre de pratique comme en témoigne cette séquence que j’ai montée il y a plus de dix ans avec des collégiens bien reprise par des collègues depuis. Refondée selon les axes des nouveaux programmes, elle peut être toujours d’actualité. C’est parfois bon de se poser …