Le mur dans l’art

Le confinement est un rapport au mur. Voici des oeuvres pour renouveler notre approche de cette privation de liberté de circuler.

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Texte sans les illustrations :

Le mur dans l’art

 

Le mur est un objet important dans l’histoire de l’art. De la préhistoire à l’art contemporain, le mur est le lieu privilégié de l’expression artistique. En tant que limite, il ferme et ouvre à la fois l’espace artistique. Il engage le regard vers des possibles ou au contraire le replie sur lui-même. Le mur pourrait être la métaphore plastique du sujet.

 

Le mur revêt différentes fonctions : du mur-objet au confinement, sa nature n’est pas la même. Percé, il démarque deux espaces différents. Aveugle, il referme l’espace sur lui-même. Entre-deux ou point de non-retour, le mur est paradoxal, riche, vivant. Masque sur le visible, il peut redonner vie au passé, il devient témoin et siège de la mémoire. Il sait également endosser la figure du musée, du lieu d’exposition.

 

En ces temps difficiles de confinement, le mur est le lieu de toutes les projections, de toutes les angoisses. Quelles nouvelles perspectives les artistes interrogeront-ils avec le mur devenu aujourd’hui à la fois rassurant et oppressant ? Quelle sera la figure du mur après la crise du coronavirus ?

 

Nous allons dans cet article observer les déclinaisons du mur dans l’art avec différentes facettes aussi diverses que sensibles. Peut-être pourrons-nous dégager ce qu’il incarnera avec courage, force et douleur demain.

 

 

Le mur frontière :

On connaît l’histoire de la muraille de Chine, du mur de Berlin ou de celui qui sépare Israël de la Palestine. Le mur frontière ou barrière divise, scinde, découpe le social ainsi que le visible. Il sépare tragiquement les populations et défigure le paysage en lui infligeant sa terrible cicatrice. Banksy, engagé et politique est parti en 2005 sur ce dernier site et a déposé ses graffitis sur le mur séparateur. Des enfants jouent devant le mur et derrière eux, Banksy opère une réconciliation possible. Les deux territoires sont reliés par l’art et le propos de l’artiste. L’art a ce pouvoir de réduire les frontières et de rendre l’union des peuples possible.

 

Dans « Personne » de Christian Boltanski, un mur de caisses de biscuits rouillées sépare et annonce le lieu d’exposition. Le mur a sa matière brute et souillée par le temps.

 

Le mur support, matériau :

Le mur par excellence depuis la nuit des temps est le lieu d’exposition des peintures. Mais le mur dans les musées rebute toute une catégorie d’artistes qui militent pour un art vivant, plus proche de la population. Le street art explore le mur comme support créant des liens avec les passants. « Charles Simonds choisit quant à lui d’imaginer qu’il existe, à l’intérieur des lézardes, dans la profondeur des parois, des peuplades minuscules et nomades : celles des « Little People » auxquelles l’artiste donne vie en 1970 en inventant une véritable mythologie les concernant », Marie Escorne. Le mur n’est plus une surface plane mais est bien doté d’une épaisseur que l’artiste explore, investit, met en lumière. Le changement d’échelle questionne le corps : le spectateur se sent monumental, géant face à ces petites constructions nichées dans le mur. Ce mur disparaît : il devient un lieu prenant vie, il devient ville. Celui qui séparait devient générateur de liens. Le mur a un corps, un ventre, une chair.

Le mur traces :

« A partir du début des années 1930, Brassaï le photographe arpente les quartiers populaires, Belleville, les Halles, dans une moindre mesure le Quartier Latin et les alentours de la place d’Italie. On y trouve encore alors des murs en plâtre faciles à entamer.

Ils sont parfois altérés simplement par le temps et les éléments. Ces murs défraichis attirent déjà l’attention du photographe et il y laisse courir son imagination. Rapprochant son appareil photo, il nous y fait voir des formes humaines ou animales. Ainsi une bande sinueuse décrépite sous une plaque de gaz devient une silhouette de femme. » FranceInfo

https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/photographie/brassai-fait-vivre-les-murs-avec-ses-graffiti-au-centre-pompidou_3377107.html

 

Le mur comme rideau :

Les œuvres d’art du Moyen-âge et cela jusqu’aux débuts de la Renaissance proposent des scènes qui se déroulent devant un mur symbolique fermant l’espace de la représentation. Le mur a une fonction : il resserre la contemplation sur la scène représentée. L’œil ne peut pas être distrait par les confins de l’horizon. Il a une fonction pédagogique dans le visible : il oriente le regard vers le devant.

 

Percer le mur :

Le mur à La Renaissance disparaît pour laisser place à des paysages et des précieux lointains. La nature est à l’unisson de la scène représentée. Les paysages contribuent à mettre en évidence la scène peinte : par exemple dans la Joconde de Léonard de Vinci, le paysage enveloppe la jeune femme et lui donne un caractère monumental. Dans le double portrait de Piero della Francesca, les deux profils sont représentés sur fond de paysage : celui-ci représente l’étendue de pouvoir du Duc de Montefeltre.

Dans « De pictura » de 1435, Alberti rédige un traité sur la peinture. Au début de son travail, le peintre doit tracer un cadre qui sera pour lui « comme une fenêtre ouverte sur l’histoire ». Le mur est percé et laisse passer la manifestation du visible. L’art est illusion : les scènes se déroulent comme si elles étaient vraies. Le mur devient transparent et ouvert sur le monde.

 

Le mur objet:

Emmanuel Tussore. Walls in Study for a soap. 2017.

L’artiste a érigé ce mur pour protester contre le drame Syrien. Réalisé en savons d’Alep, ce mur est un objet d’art. Le mur a des jours comme pour suggérer les bombardements. Mais à regarder de près, plus on se lave, plus le mur disparaît. Dans cette proposition, l’hygiène est le remède contre la guerre. Cela ne nous renvoie-t-il pas à la situation actuelle ?

 

Le mur témoin : pignon

Le mur a des oreilles ! Nous connaissons bien ce vieux dicton. En effet, tout autour de nous, les murs veillent sur notre quotidien. Ils en sont les témoins passifs et silencieux. Ernest Pignon Ernest fait des murs les témoins actifs du quotidien urbain.

« En 1995, de retour à Naples, Ernest Pignon-Ernest découvre que la chapelle a été murée et apprend que l’une des deux « veilleuses » (Antonietta) est décédée. Il décide alors de faire son portrait, en s’aidant d’une photographie prise en 1990, et de coller ce nouveau dessin sur le mur ayant quelques années plus tôt servi de support à la représentation de la Vierge inspirée du Caravage, dont on dit qu’il avait pris pour modèle une femme du peuple et même une prostituée.

(…)Le présent et le passé se rencontrent dès lors sur ce mur qui semble avoir d’une certaine façon « enregistré » la présence de cette femme humble qui passait ses journées entières au même endroit, si bien que son image est devenue pour les habitants indissociable de ce lieu. Collé la nuit, alors que la ville est endormie, le portrait d’Antonietta apparaît d’ailleurs de façon presque magique, un peu comme si ce double, ce fantôme, avait surgi de lui-même à la surface du mur ayant retenu une part de l’ombre d’Antonietta. » Marie Escorne. « Plus tard, lors d’un voyage, j’ai remarqué qu’il n’y avait plus le dessin, plus la vieille Antonietta qui passait ses journées là depuis des décennies. J’ai appris qu’elle était morte. Comme j’avais une photo de mon dessin avec la dame à côté, dans la nuit je l’ai dessinée où elle était tous les jours et j’ai collé le dessin. C’est devenu une image presque sainte. » Ernest Pignon-Ernest.

 

Le mur qui relie :

JR en 2005 puis 2007 se rend dans la région israëlo-palestinienne. Il réalise de gigantesques autoportraits « Face to face ». « Le projet Face2Face consistait à faire des portraits de Palestiniens et d’Israéliens faisant le même métier et de les coller face à face, dans des formats géants, à des endroits inévitables, du côté israélien et du côté palestinien, pour qu’enfin, chacun rie et réfléchisse en voyant le portrait de l’autre et son propre portrait. »JR. Le mur devient le lieu de la paix et de la réconciliation. JR explique comment les autochtones ont reçu les portraits en essayant d’identifier qui est palestinien et qui est israëlien.

https://jr-art.net/fr/projects/israel-palestine

 

Le confinement : Naumann

On entre dans un pièce banche assez réduite et on entend une rumeur sourdre dans cet espace. Cette rumeur tourne en boucle : on dirait comme un murmure traversant les murs. On se rapproche du mur et là en collant les oreilles aux murs on distingue nettement l’artiste invectiver « Get out of my mind, get out of this room ». L’artiste est confiné dans cette pièce étouffante et oppressante. Chambre d’isolement certainement, chambre de contention. Les murs parlent avec une voix grave et lancinante.

Cette installation ne sera plus vue dorénavant comme avant : le public revivra avec force les conditions de son confinement.

https://vimeo.com/20309228

 

Le mur comme nous l’avons vu recouvre tout un champ de possibles. Les artistes à l’avenir vont sûrement nous proposer d’autres visions de celui-ci. Nous verrons certainement des réalisations témoigner de cette tragique expérience que nous menons tous en ce moment. Murs de l’incompréhension, murs familiers qui deviennent parfois monstrueux avec la solitude, murs barrière, murs opaques, murs de la prostration, ils agissent avec force sur notre psychisme mais ils peuvent devenir le mur de la méditation, le mur des lamentations, le mur des projections de nos rêves ou quelque chose d’hybride et d’hétérogène ayant à voir avec tout cela. Pourquoi ne pas proposer à nos élèves des écoles et de collège de faire une production les amenant à réfléchir ensemble sur le statut de leurs murs ?

 

 

 

 

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