La guerre est un jeu d’enfant,
2001
Merci à Francis Moreeuw qui a donné de son temps artistique aux élèves du collège.
Texte de l’artiste en entier: télécharger ici Texte La guerre est un jeu d’enfant (1) de Francis Moreeuw adressé aux élèves.
Paroles d’enfants 11-12 ans : texte envoyé à l’artiste relatant les propos des enfants au sujet de cette oeuvre
Correspondance avec l’artiste: moreeuw enfants paroles
Problématique et analyse
« Ce que j’ai voulu montrer dans cette œuvre c’est que je ne comprends rien à cette guerre et plus généralement à toutes les guerres » Francis Moreeuw. L’artiste dénonce le pouvoir, l’intolérance et toutes les guerres.
« J’espère que vos élèves s’amuseront à réinterpréter ces objets. N’oubliez pas que l’humour chez moi est toujours présent même si parfois il côtoie l’horrible comme cet Hitler au nez rouge.” Propos de Francis Moreeuw adressés aux élèves du college.
Date de création et contexte historique
Installation 1.92 x 4.40 x 2.70 (dimensions variables)
2001
« Fin 2000, alors que je dois participer à un salon en avril 2001, je suis révolté par toute cette violence et je décide de réaliser une « œuvre totale » qui sera un cri ou plutôt un coup de gueule et comme Prévert j’hurle :
« QUELLE CONNERIE LA GUERRE !»
« Petit rappel historique pour situer les circonstances de la réalisation de cette installation.
(Source WIKIPEDIA)
La seconde Intifada est généralement daté au 28 septembre 2000 (jour de la visite d’Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées), il n’existe pas de consensus sur la date de fin de ce soulèvement parmi les auteurs et commentateurs.
Elle débute par une insurrection populaire palestinienne dans les territoires occupés à laquelle se joint la population arabe israélienne. Elle est immédiatement violemment réprimée par l’armée israélienne. Après 15 jours, on compte plus de 100 morts côté palestinien et 10 côté israélien[] auxquels s’ajoutent 14 Arabes israéliens tués par la police israélienne[].
Le 30 octobre, la violence grimpe d’un cran quand le Hamas entame une campagne d’attentats-suicides avec une quarantaine d’attaques perpétrées jusqu’à la fin 2001[].
« Il n’est aucunement question pour moi de prendre parti pour l’un ou l’autre camp au sujet de cette guerre qui dure depuis 1948 car je suis nul en géopolitique. »
Auteur
Francis Moreeuw : Artiste contemporain du nord de la France. De très nombreuses sculptures et peintures à l’acrylique, à l’aquarelle, à la gouache, à l’encre de Chine, avec des collages. Une vision de la libre figuration telle que la pense l’artiste. La figuration libre est un mouvement artistique français.
Figuration Libre (figuration libre) est une association française mouvement artistique des années 1980. Le terme a été inventé par Fluxus et l’ artiste Ben Vautier .
Propos de l’artiste « » Je suis autodidacte et enfant, tout petit déjà, mes parents m’ont rappelé que je dessinais toujours. « On te donnait un crayon et du papier et on ne n’entendait plus. » m’ont-ils raconté. La famille s’amusait à me voir réaliser des caricatures, des personnages avec une grande aisance. Néanmoins pas question de faire les beaux-arts, ils voulaient que je devienne ingénieur en électronique, car, bien sûr « si vous saviez comme ils sont les artistes… »
“Il y aurait beaucoup à dire sur celle-ci car chaque objet, peinture etc. a été réalisé spécialement pour ce projet et possède pour certain une histoire très personnelle intimement mêlée à la mienne.”
Son œuvre a une dimension autobiographique.
Interprétation de l’œuvre
Vous entrez dans une pièce ressemblant à une chambre d’enfants dans le désordre.
L’impression première est un champ de bataille. C’est une installation composée de différentes œuvres d’art se suffisant à elles-mêmes.(ex Hitler au nez rouge). On pense aux œuvres de Ben Vautier et à la structure du bizart bazart de Ben
ou alors d’une autre oeuvre de Thierry Ehrman: La demeure du chaos, à l’échelle monumentale d’une demeure.
L’artiste dans ces œuvres conçoit son propre musée avec des accumulations d’œuvres d’art assemblées selon un ordre particulier. Dans l’œuvre de Francis Moreeuw, toutes les œuvres sont disposées autour du parc en bois pour enfants en bas âge commençant à se tenir debout. Ce parc ressemble plus à une prison qu’à autre chose et c’est l’ensemble de la pièce, de cette installation qui nous fait penser à une cellule d’un prisonnier (de guerre) avec ses héros et fétiches accrochés aux murs. Les peintures seraient-elles avec les images provenant des jeux-vidéos, de la bande-dessinée et de la peinture des icônes dangereuses ? La « rangers » avec des roses en plastiques peut évoquer une sorte d’autel.
Le petit ballon jaune et blanc, placé dans un recoin de l’installation est la seule référence au monde de l’enfance avec le parc en bois. Tomb Raider évoque plutôt l’adolescence avec les jeux vidéos. Le pied de l’héroïne écrase une image qui gît au sol. Aurait-elle tué celle-ci ?
L’artiste montre que le rapport à la guerre fait malheureusement partie de l’éducation des enfants avec notamment la présence de Tomb Raider, cette femme guerrière fatale entrainée au monde des armes et de la bagarre. Le contraste entre le lit et les œuvres est saisissant. L’artiste nous interpelle sur notre manière d’élever nos enfants. Le décor de cette chambre semble incongru vu l’âge estimé de l’enfant 6mois à 18 mois. Les adultes sont remis en cause dans leur éducation de leur progéniture.
« CROSSE EN L’AIR !!! »
« Et de voir ces enfants jetant de simples pierres sur les chars. » Francis Moreuuw
Ici, Francis Moreeuw ne nous montrerait-il pas que les enfants sont démunis face à notre manière de les élever ? Pas besoin d’être un érudit pour comprendre les effets néfastes de la guerre, mais combien de savoir et de connaissances faut-il détenir pour comprendre l’art, cette installation?
« La guerre est un jeu d’enfant »
« Et chez nous, ces armes en plastique que le bon Saint Nicolas ou Papa Noël offrent aux petits. » F.M.
« La guerre est un jeu d’enfant »
En regardant de près, on aperçoit un portrait d’Hitler au nez rouge. L’artiste fait appel à l’humour dans ce portrait. Mais quel genre d’humour ? Un humour grinçant et noir. « Une réflexion, une info, une image, un article, tout m’est prétexte à interprétation et mon imagination toujours en éveil fait le reste. Le tout traité avec humour, même ou plutôt surtout quand il s’agit de sujet tragique. « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui » Pierre Desproges » F.M
Une bande signalétique sépare l’espace de l’oeuvre de l’espace du spectateur.
“Attention danger” semble crier cette bande rouge et blanche. Cette installation est interdite d’accès: on ne peut pas pénétrer à l’intérieur: c’est un impénétrable, un espace tabou. “Attention”, chasse à tirs. D’où viennent les tirs ? Il semblerait que chaque oeuvre soit en fait une bombe, une mitraillette, une arme de guerre. Comment ne pas songer aux propos de Picasso “La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements. C’est une arme offensive et defensive contre l’ennemi”. Pour Francis Moreeuw, c’est très clair: l’ennemi c’est la guerre qui tue le monde de l’enfance et de l’innocence. L’espace extérieur avec l’urne destinée au public est un espace de libre expression face à l’espace artistique confiné dans l’espace d’un angle, d’un recoin d’où vient le chaos. “Condamnez la guerre et pas l’art contemporain” semble crier cette installation qui à première vue n’est pas plaisante ni attrayante.
“Tous ces objets amassés sur des palissades et dans un espace barré par un ruban de chantier rouge et blanc avec cet avertissement « DANGER CHASSE A TIR » dérisoire que j’avais vu en période de chasse dans les bois, ces références, ces citations, cet humour noir etc. tout cela pour dénoncer l’horreur. Oui je sais, j’enfonce des portes ouvertes… mais il me fallait y mettre toutes ces choses. C’était comme une frénésie, un besoin d’exorciser ce mal et aussi une façon de me mettre à nu quitte à choquer. » F.M
Une petite sellette au fond à droite avec des roses en plastique glissées dans une rangers apparaît comme dérisoire et c’est le seul clin d’œil à la vie, à une renaissance possible. Comme la fleur peinte dans Guernica de Picasso au milieu d’une scène de massacre. A sa droite, un portrait de Yasser Arafat, fondateur de l’Organisation de Libération de la Palestine, le leadeur des palestiniens.
Cette installation composée de différents tableaux est un polyptyque contemporain.
: « Un polyptyque est un ensemble de panneaux peints (voire sculptés), articulé ou non, exposant en peinture chrétienne plusieurs épisodes d’une même histoire sacrée. ». Les polyptyques servaient à illustrer les lectures des histoires saintes dans les rituels religieux chrétiens.
Quelle histoire est racontée aux enfants dans cette chambre interdite ? Certainement pas un conte de fées.
On remarque également que les personnages présents dans cette installation proviennent du monde des jeux mais aussi de la réalité : on aperçoit le portrait de Yasser Arafat aux côtés de celui de Tomb Raider. La réalité se mélange au monde du virtuel.
Les dimensions variables de l’installation montrent que celle-ci s’adapte à toutes les expositions, à tous les espaces comme la guerre elle-même, adipeuse et tout-terrain. C’est une œuvre à géométrie variable comme les polyptyques qui fermés ou ouverts occupent des espaces différents.
C’est une œuvre qui inscrit la Grande Histoire dans la petite histoire (autobiographique).
L’artiste met en scène tous les genres artistiques:
chambre d’enfant jouant à la guerre :
– scène de genre (On appelle scène de genre, ou parfois peinture de genre lorsqu’on parle spécifiquement de peinture, un type d’œuvre peinte ou dessinée qui figure des scènes à caractère anecdotique ou familier.)
– polyptyque sur la guerre : scène d’histoire, le grand genre
– portraits
– nature morte (rangers et fleurs en plastique)
– Paysage
Cette installation est une encyclopédie artistique mêlant les genres du passé avec des techniques contemporaines : installation de peinture et d’objets dans l’espace.
On y voit aussi des peintures figuratives, des images signalétiques (ruban et silhouette noire) une affiche, une icône, des pages de bande-dessinée, de la peinture abstraite, une allusion au cinéma (tête décapitée et installation ressemblant à une scène de tournage avec le projecteur) bref une vraie histoire de l’image mise en scène dans cette installation. je décide de réaliser une « œuvre totale ». C’est bien la totalité des arts qui sont présents ou représentés dans cette installation.
Rapport à la problématique
« Face à tout ce « fatras » le spectateur ne peut pas rester insensible, il cherchera à comprendre. Il y trouvera des choses qui le toucheront, le « bousculeront », le feront rire ou… vomir…
Je veux que les gens qui verront cette installation réagissent et deviennent plus tolérants.
C’est pour cette raison que j’ai placé une urne à l’entrée de l’espace, avec un stylo, pour une totale liberté d’expression ».F. Moreeuw.
Son œuvre est interactive, le public est invité à s’exprimer. Christian Boltanski dans Personnes et Jochen Gerz dans Monument contre le fascisme font également intervenir le public dans leur œuvre. C’est une nouvelle conception de l’œuvre d’art que le public activement achève grâce à sa participation. Les artistes invitent le spectateur à devenir un public citoyen plastiquement.
Francis Moreeuw se rapproche de Fluxus
- Fluxus est une attitude. Ce n’est pas un mouvement ou un style. [ 78 ]
- Fluxus est intermedia. [ 79 ] Fluxus créateurs aiment voir ce qui se passe quand différents médias se croisent. Ils utilisent des objets trouvés et tous les jours, des sons, des images et des textes pour créer de nouvelles combinaisons d’objets, des sons, des images et des textes.
- Des œuvres Fluxus sont simples. L’art est petit, les textes sont courts, et les performances sont brèves.
- 4. Fluxus est un plaisir. L’humour a toujours été un élément important dans Fluxus.
Dans son œuvre on peut lire un panneau avec écrit dessus un jeu de mot plastique
RAT
CISTE JE T’EMMERDE
FAT
Il dénonce les racistes en les assimilant à des rats et les fascistes à des fats : arrogant, avantageux, faraud, poseur, présomptueux, prétentieux,vaniteux.
Francis Moreeuw a violemment réagi à un événement, une guerre et pris position face à celle-ci. C’est en tant qu’artiste citoyen qu’il crée son installation. C’est un cri contre le monde de l’intolérance, celui des guerres de religions entre autres. Il prône l’art comme méthode d’éducation des enfants afin d’éviter les guerres. Son installation en est un manifeste.
Enfin, en regardant dans les détails, on voit une peinture gisant au sol foulée par le pied de la silhouette de Tomb Raider. La peinture serait-elle la première victime de la guerre menée par la société de consommation incarnée dans cette installation par la bande-dessinée et par les jeux vidéos ? Au pied de « Tomb raider » c’est une affiche de la collection « Documentation pédagogique » représentant le massacre de la Saint Barthélémy. L’artiste dénonce les guerres de religion, le fanatisme.
Cette affiche (envoyée par l’artiste) issu de l’art populaire, de masse, de la Saint Barthélémy est un thème de l’histoire de la peinture. (Ce tableau du massacre de la Saint Barthelemy ci-dessous fut réalisé entre 1576 et 1584 par François Dubois (1529-1584)
« D’ailleurs, on ne le distingue pas sur la photo de l’installation, mais sur cette affiche repose un sac plastique transparent contenant une tête décapitée.(je vous rassure, une fausse tête) » F.M « J’ai réalisée cette tête et elle est réaliste. Elle est dans un sac en plastique transparent ce qui donne un effet encore plus morbide, vous savez comme dans ces films avec des sérial killers. » F.M.
L’espace de cette installation est séparé en deux parties:
– un espace de libre expression destiné au public dont la silhouette noire fait partie. Serait-ce l’espace des victimes invitées à s’exprimer librement, à parler, à manifester leur souffrance ici ?
– L’espace de l’installation serait-il l' »espace des bourreaux » se livrant à une terrible bataille ? Francis Moreeuw parle ici de son combat avec l’art, avec les images, avec la peinture qui n’est pas facile. On peut voir ici comme une sorte d’autoportrait mis en scène dans cette installation, d’où sa dimension autobiographique.
L’espace délimité par le ruban signalétique détermine une « réserve », terme plastique désignant une surface vierge laissée telle quelle en peinture. C’est le monde de l’art que Francis Moreeuw confine dans sa réserve en le qualifiant d’espace vierge plastique.
« Deux personnages grandeur nature sont disposés en dehors de l’espace réservé. Lara Croft incarnerait-elle une mère guerrière défendant la chambre de son enfant et la silhouette de la victime l’ombre du père absent ou victime ? » (analyse inspirée par la parole des enfants.) Serait-ce une installation macabre d’une Madone à l’enfant contemporaine dénonçant les droits de garde des enfants attribués généralement à la mère et faisant fi du droit des pères ?
Madone à l’Enfant, Raphaël, Wikipedia
Vocabulaire spécifique
Accumulation.
Figuration libre.
Installation.
Technique mixte
Polyptyque
Autobiographique
Fluxus
Prolongements et rapprochements avec d’autres œuvres artistiques
– Ben Vautier
– Thierry Ehrman
– Kata Legrady
– Picasso
– Jochen Gerz
– Boltanski
« Enquête criminelle »
« Le monde du n’importe quoi »
« La violence dans tous ses états »
« La chambre de Chuky »
« La mauvaise éducation »
« Destination finale »
« L’exorcisme »
« Le mal élevé »
« La boutique ensorcelée »
« La guerre est un jeu d’enfant » (X2)
« La vision dans son deuxième état »
« Les guerres rassemblées »
« Meurtre en famille »
« La guerre pour un enfant »
« Jeux interdits »
Extraits de leurs textes écrits pour l’artiste:
« Je trouve votre œuvre passionnante,émouvante et très réaliste d’une vie de couple avec des parents qui se disputent pour leur enfant et qui finit par un désastre. La femme Lara Croft a un corps possédé et a décapité la tête du père et jetée dans la chambre de l’enfant. »
« La mère de l’enfant est en train de se disputer avec le père. La chambre de l’enfant est en désordre. La maman a tué le papa. Lara Croft éduque mal son enfant. Il y a aussi les guerres de religion. L’enfant est enfermé dans sa chambre, il n’a rien à boire et à manger. L’artiste dénonce les guerres de religions, entre adultes, la responsabilité des parents envers leur enfant »
« Même les enfants de deux ans peuvent comprendre votre installation, elle s’adresse à tout le monde. Nous vous remercions d’avoir fait cette œuvre qui nous a fait réfléchir sur les guerres et les enfants. »
« Cette installation dénonce toutes les guerres, les séparations dans les familles. Elle nous a fait voir la violence dans tous ses états donc cette œuvre est excellente »
« Cette œuvre est bien représentative de l’autorité des femmes sur les hommes, cette œuvre est bien réfléchie car elle touche une vision que tout le monde va ressentir : les enfants.
Il y a beaucoup de références au film. Mais le titre est mal choisi car quand on va faire la guerre on risque notre vie et ce n’est pas un jeu d’enfants. En faisant cette image sur la chambre d’un enfant, cela va toucher les parents. Il inspire les enfants. On est sur un lieu du crime car la tête de l’homme décapité, c’est la femme qui vient de le tuer. Il essaie de montrer ce que l’homme va ressentir si on le sépare de ses enfants. Ca va perturber l’homme. Vous avez bien choisi le thème de l’enfant pour montrer toutes les guerres ».
« Cette œuvre montre la domination de la femme par rapport à l’homme. C’est un espace violent où on voit une scène de guerre. La mère a l’air protectrice car elle se positionne pour protéger son enfant et pour avoir la garde de son enfant. La chambre de l’enfant est mal rangée pour montrer le nombre de problèmes qu’il y a dans les familles. La silhouette noire représente le père qui ne fait désormais plus partie de la famille. Cette scène nous émeut car une famille est fondée d’un père et d’une mère et l’enfant a besoin de ses deux parents pour grandir. »
Réponse de l’artiste aux élèves: