Mitterrand, Gisèle Freund

Problématique et analyse : Dénoncer ou servir le pouvoir ?

Le portrait officiel est une véritable mise en scène dans laquelle la fonction et la personnalité de l’officiel sont représentées et où la technique utilisée joue un rôle dans l’élaboration du sens de l’image. L’artiste ici sert le pouvoir.

Date de création et contexte historique :1981, après la victoire aux élections présidentielles de François Mitterrand.Mandats : 1981-1995
Auteur :Gisèle Freund, née Gisela Freund à Schöneberg, près de Berlin, le 19 décembre 1908 et morte à Paris le 30 mars 2000, est une photographe française d’origine allemande.
Interprétation de l’œuvre :

  • Image à l’arrière-plan flou, composée de grandes masses sombres et lumineuses (visage, costume, boiseries, livres). On dirait une icône byzantine avec le personnage représenté sur fond d’or. Les reliures dorées jouent ce rôle dans ce portrait. Mitterrand est pris en costume civil, pour la première fois dans l’histoire du portrait officiel : en Chef d’Etat assis. Le mot d’« État » vient du latin stare « se tenir debout », le verbe « présider » vient, lui, de praesidere « être assis », « siéger », « être assis devant, en avant ». François Mitterrand renoue sciemment avec une très ancienne figuration du pouvoir suprême trônant en majesté.
  • •La célèbre peinture d’Antonello da Messina, la Vierge de l’Annonciation, œuvre majeure de la Renaissance, est aussi citée dans la composition du portrait de François Mitterrand, avec le livre situé dans la partie inférieure droite de l’image, la position des mains dirigées en direction de l’observateur, mais aussi avec la présence d’un contraste fort entre les masses sombres et les parties claires.
    • Photographié de face. Le Président fixe l’objectif pour que son regard croise celui du spectateur. L’intensité du regard est importante. Les yeux sont les détails les plus nets de la photographie, comme la Légion d’Honneur accrochée à sa veste, sorte de « troisième œil » à la pupille rouge.
    • Tout est statique dans cette image, même le regard fixant le spectateur ainsi que le léger sourire qui n’ont rien de naturel. Il veut s’imposer comme un Chef de l’Etat au pouvoir stable et bienveillant.
    • Il tient dans ses mains un livre qu’il est en train de lire dont on ne voit pas la reliure. On suppose qu’il l’a pris dans sa bibliothèque. Il se présente comme un homme de culture exerçant un pouvoir universel grâce à elle. Croisant le regard de l’observateur, il a la volonté de lui transmettre son savoir. Photographié en plan rapproché ou poitrine, montre une volonté de se rapprocher de ses électeurs.
    • Les livres sont flous afin de camoufler les titres des ouvrages. François Mitterrand ne souhaite pas influencer en citant un auteur plutôt qu’un autre. Mais on peut imaginer que ce sont des classiques, des textes importants et universels, à cause de la reliure dorée et en cuir. La photographe, Gisèle Freund précise qu’il s’agit d’un volume des Essais de Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592). Pour anecdote, Mitterrand était un grand amateur de littérature et faisait systématiquement relier tous ses livres.
    • Les objets de la mise en scène sont des indicateurs des proportions des personnages (cf. Louis XIV): il est impossible de se représenter la taille réelle de Mitterrand. Mais on a l’impression qu’il est grand et imposant. Dans le portrait de Pompidou, la table donne une indication sur sa taille. C’est une table basse qui a pour effet de le grandir légèrement.
    • La netteté des yeux de Mitterrand et de la médaille accrochée à sa veste est accentuée par le flou du deuxième plan. On peut comparer cet effet de contraste flou/net au portrait de Georges Pompidou.
    • •Georges Pompidou est dans une posture officielle, pris légèrement en contre-plongée pour le hisser au-dessus de l’œil du spectateur.
    • •Dans le choix de sa composition, François Mitterrand montre qu’il est attaché aux traditions culturelles.
    • •On peut opposer cette image avec celle de Giscard beaucoup plus graphique et sans mise en scène, en format paysage, rompant avec la tradition des représentations des portraits officiels. Il se présente comme un citoyen ordinaire en regardant l’observateur dans les yeux. Son slogan était « regarder la France dans les yeux ». La photo est de Jacques-Henri Lartigues.
    • •Autrefois, les peintres représentaient les Rois avec une mise en scène complexe et où tout était peint de façon très nette, avec tous les détails. Le portrait de Louis XIV en est un exemple. C’est la technique de la photographie qui a mis en scène le rôle du flou dans l’image officielle.
Rapport à la problématique :Le photographe sert la personnalité politique de François Mitterrand, homme de culture.
Vocabulaire spécifique :Plan rapproché ou poitrineContraste
Prolongement et rapprochement avec d’autres œuvres artistiques :Comparaison avec les portraits officiels (voir interprétation)
Autre :
Questions à poser aux élèves le jour de l’examen :Qu’est-ce qu’une vue plongeante ?

Icône byzantine

Vierge de l’Annonciation, Antonello da Messina

Louis XIV, Rigaud

Pompidou

 « 

Valéry Giscard d’Estaing

Laisser un commentaire