Louis Blanc, photographe, le Michel-Ange du corps photographique

« C‘est le corps qui est au service de l’image et non le contraire » Louis Blanc

Louis Blanc, Photographe

Merci à Louis qui a répondu gentiment à mes questions, avec une grande générosité et une volonté étonnante de partage.

Quand on voit ses photographies, on ne reste pas de marbre. Nous sommes ébranlés, déstabilisés, ne sachant pas sur quel pied danser. Comment fait-il ? Quels sont ses modes opératoires ? Quel est son message ? Que veut-il nous dire car ses photos parlent comme les langages des signes. Serait-il le nouveau Michel-Ange de la photographie avec ses corps massifs, tout en étirement et extension, avec leurs volumes si bien dessinés donnant, dans un statisme quasi hiératique, une impression phénoménale de mouvement ?

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Ses photos nous renvoient à quelque chose de profond et d’indicible, à un ineffable « espace du dedans » à la fois individuel et collectif. Par leur aspect monumental, même en petit format, les photographies de Louis Blanc ne quittent pas notre esprit: elles frappent par leur économie.  « C’est comme lorsque l’on est devant un paysage, un tableau ou une sculpture sublime,  à l’écoute d’une musique « divine » ou lorsque l’on tombe éperdument amoureux … on ne pense pas… heureusement ! « . Au premier abord, on ne pense pas devant les images de L.B, on tombe amoureux, éperdument.

Icônes de chair et de lumière, elles nous hantent même à note insu.  » Le corps a effectivement la place essentielle, l’arrière-plan étant volontairement totalement neutre comme si l’image du corps se suffisait à elle-même et n’avait besoin d’aucun élément extérieur (environnementaux ou vestimentaires) qui au contraire seraient plutôt perturbateurs. »  Des images qui résonnent dans l’inconscient collectif et dans les tréfonds de notre personne comme le faisaient jadis les icônes byzantines. C’est bien la force de ce type d’oeuvres d’art minimalistes en quête de leur quintessence. Qu’est-ce qu’une photographie ? Louis Blanc nous répond avec la force de son regard, la conviction de ses compositions et de ses postures.

Le corps est le sujet d’investigation de l’artiste. « pour réaliser une image j’ai toujours une idée de départ qui parfois à pu venir lors d’une précédente séance  (mais pas toujours ! ) … qqfois je fais un petit croquis … juste pour m’aider à la mémoriser !.. l’idée de départ sert de « starter » à la séance. . ensuite il peut y avoir de multiples changements suivant le ressenti que j’ai en regardant les nombreuses prises de vue (parfois plus de 100 clichés pour une seule image !) sur  l’écran de contrôle de l’appareil !…. jusqu’à ce que je sente que je « touche » qqchose et ensuite je tire sur ce fil pour arriver à une image qui me « parle » ! » La photographie dans cette manière de procéder s’apparente à la performance, au sport ou à la danse : quête du geste parfait répété inlassablement jusqu’à l’obtention de ce qui doit être et qui sera encore perfectible, jusqu’à la coïncidence paroxystique de tous les paramètres pour obtenir le cliché fatal.

« Je me considère un peu comme un acteur, un comédien dans un théatre silencieux … qui va chercher une « véritable » émotion au fond de lui mais qui joue un rôle !… » 

L’émotion est interprétée, c’est pour cela qu’elle nous touche. Lee Jeffries dans ses photos montre des petites gens bien souvent pris dans une tourmente personnelle qui nous met mal à l’aise. Non, là, chez Louis Blanc, ces émotions pourraient être les nôtres comme s’il était en quête du corps universel. Il est frappant de voir que ces images sont asexuées. En effet, même si on devine bien des corps masculins, ceux-ci entrent en résonance même chez une femme. « le corps est joie,  souffrance etc… il est par où passe la vie … donc j’ai un très grand respect pour lui , c’est notre temple !… »

Est-ce l’image d’un fou ? L’image de quelqu’un qui rit ? Qui fait le malin ? Qui souffre ? C’est un peu tout cela à la fois.

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Dans cette image, on reste pantois. Il y a une inquiétante étrangeté qui nous remue. On y revient souvent.

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La tête est-elle à l’endroit ou à l’envers ?

Dans la photo ci-dessous, l’appareil photo ne serait-il pas fixé à un mur ou au contraire au ras du sol ? On hésite. C’est ce qui expliquerait la magie de cette photo, incompréhensible au premier abord. On est déstabilisé car on ne comprend pas immédiatement les procédés de l’image. Le seul indice qui met sur la voix du sol consiste en les lignes du carrelage qui apparaissent à fleur de peau de la photographie. Comment a-t-il réussi à faire disparaître les jambes ? Par un exercice gymnique de « pompe » ? Comment a-t-il pu se caler devant l’appareil photo à l’aveugle de telle sorte que les oreilles apparaissent de manière identique de chaque côté du poignet ? Le photographe procède-t-il comme les danseurs en faisant des marques au sol ? La ligne du carrelage est pile dans l’axe central et vertical du corps, ligne fondamentale car c’est elle qui structure le tout. La ligne du mur au ras du sol aurait pu être plus horizontale ou est-ce un effet volontaire ? 
Le corps de Louis Blanc s’incarne au fur et à mesure des clichés dont il nous livre l’incantation, la décantation finale.

C’est époustouflant quand on commence à réfléchir à la mécanique de ces images. Combien de clichés pour obtenir cet équilibre presque parfait ! On en comprend le titre « Extremus  » !

Toutes ces questions méritent de voir la réponse de l’artiste. Pour croiser ainsi nos regards…

C’est époustouflant quand on commence à réfléchir à la mécanique de ces images. Combien de clichés pour obtenir cet équilibre … parfait !

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Après analyse des clichés, on comprend bien le travail de l’artiste: la recherche d’une extension du corps, dans le corps, dans le corps même de la photographie. Le format carré permet d’accentuer l’effet de tension. Tout est au service du geste et du point de vue. Il n’y a aucun détail venant perturber la composition de l’image.

« J’ai eu la chance (je vais me faire taper dessus par les puristes mais ce n’est pas grave) d’avoir très peu de culture photographique donc pas de référence et … plus de légèreté ! » . Oui, il y a une innocence du regard dans la manière de Louis Blanc de photographier qui l’amène à produire de nouveaux archétypes qui marqueront l’histoire de la photo. Bien ancré dans la tendance de notre monde actuel, on sent bien que cet artiste nous montre avec ses images une quête pas seulement spirituelle mais physique de la vie. Comment donner du sens à ce corps, comment lui donner le pouvoir de communiquer ? En cherchant le degré zéro de la communication: par l’image.

Louis Blanc a inventé un nouveau langage des signes où chacune de ses photos est une lettre. Prenons le temps de lire le grand roman de Louis Blanc, cette histoire universelle relatant la vie d’un homme s’affichant dans une simplicité incroyablement complexe, sans effet et sans superflu. Ce qui est génial dans ce travail, c’est qu’il nous pose la question « Comment c’est fait ? » dont la photographie fait trop souvent l’impasse s’affichant dans la facilité.

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Louis Blanc renouvelle le paysage de la photographie avec sa fraicheur profonde et grave. Mais on devine aussi l’humour dans son travail qui partage avec la gravité la capacité à s’enraciner dans la chair et le corps de manière sculpturale et vivante.

Il y a une part de gigantisme dans ces photographies où l’on peut reconnaître des figures mythologiques comme les cyclopes. Ces corps sont héroïques à l’instar des photographies pensées au millimètre près, mais d’un héroïsme profondément humain. En effet, rien de plus difficile que de se prendre en photo. Les postures adoptées fonctionnent comme des théorèmes mathématiques: tout est mesuré dans ses moindres unités. Tout est de l’ordre du dessin avec un effet de matière, un grain qui donne de la profondeur à ces images pourtant planes. En effet, il n’y a une absence volontaire de profondeur comme si ces corps évoluaient sur un fond d’or, dans un espace indéterminé, dans un plan.

Dans la photo ci-dessous, les ombres dessinent avec force, grace et fermeté les contours de ce corps en lui conférant ainsi l’apparence d’un héros accessible, d’un athlète accompli que nous pourrions tous devenir.

Ses mains fines aux doigts si longs épousent les lignes de la tête ou alors cachent le visage. Les mains sont celles d’un musicien où le corps serait l’instrument à faire vibrer, à faire chanter un hymne à la photographie universelle, au corps sublimé, un hymne à la vie transcendée.

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La nudité dans ces photographies s’affiche avec une grande pudeur. Louis Blanc ne tombe pas dans le piège de l’exhibitionnisme. Le regardeur ne peut pas être un voyeur.

Oui, rencontrer Louis Blanc et ses photographies est de l’ordre d’un coup de foudre plastique et photographique. Il nous emmène dans les confins des émotions universelles grâce à sa capacité d’abstraction qui lui permet d’atteindre les éclairs d’un être sublimé par le corps, par la photo, par l’image. La nudité est avec excellence pudique et non ostentatoire. L’épiderme de l’artiste donne corps à la chair de la photo. Les deux se répondent, s’épousent avec délicatesse et sobriété. Du grand art.

Et pour le regardeur, c’est une renaissance.

La photo est née. Vive la photo !

« Précisions : extremus  et testaceus ont la même posture de base : l’arc : le sommet de la tête au sol le corps arqué  reposant sur la tête les mains ou bras et les pieds … (des coussins sous les lombaires car suis pas si souple !) 

dans extremus  les mains sont au sol coudes joints
dans testaceus les bras sont croisés derrière la tête ce qui laisse apparaître le regard .. à l’envers. .. 
dans les 2cas l’appareil est très près du sol 
je me sers des lignes des carreaux comme point de repère 
ces 2 images font partie des plus difficiles physiquement pour moi le corps était près de ses limites …
mais dans mes images aucune volonté de montrer ou démontrer  un quelconque exploit physique. .. c’est le corps qui est au service de l’image et non pas le contraire. ..  » Louis Blanc

5 commentaires

  1. Gisbert Éric

    Bonjour, je découvre cette page par hasard d’une recherche Google mais au risque de gâcher votre enthousiasme, ce que réalise ce photographe me semble n’être qu’un plagiat du travail beaucoup plus ancien d’un autre photographe, Arno Minkkinen : http://www.arno-rafael-minkkinen.com. Sur le site de Louis Blanc, rien ne semble indiquer l’emprunt à ce prédécesseur. Cordialement, ÉG

    1. artsplastiques

      Non, vous ne gâchez pas mon enthousiasme. Mais malheureusement, je ne partage pas votre point de vue. Le propos de Minkkinen est différent: il joue de la relation corps/espace dans ses photographies où il y a une profondeur mise en scène, un jeu avec la lumière. Minkkinen s’amuse avec les illusions d’optique, il refigure l’espace par le biais du corps.
      Tandis que Louis Blanc fait du corps comme une sorte de « peau » photographique. Il n’y a pas d’espace dans ses images, pas d’anecdote. Louis Blanc est au littéral ce que Minkkinen est au figuré.

      1. artsplastiques

        « totalement d’accord avec ton analyse !… lorsque j’ai démarré la série cORpuS (fin 2011) je ne connaissais pas du tout Minkkinen et, un peu plus tard, ce sont des personnes qui me suivaient qui m’en ont parlé … suis donc allé voir son travail, par curiosité … et je l’ai trouvé intéressant mais je me sens assez loin de son approche .. c’est autre chose … il intègre le corps dans un environnement .. c’est une vision très « nordique » (dans le bon sens du terme !) il y a un rapport entre le corps (la nudité) et la nature … j’aime bien !… mais dans mes images aucun message .. juste un corps qui .. « parle » … il n’y a donc aucune influence .. même si parfois des « postures » peuvent se ressembler … le corps humain a ses limites et il est normal qu’une posture soit « découverte » par diverses personnes sans s’être consultées !…  » Louis Blanc

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