L’installation dans l’art contemporain

« Il semblerait que de nos jours, l’art de l’installation soit le médium préféré de tout le monde. » Robert Smith, Critique d’Art, 1993

L’installation a commencé dans les années 60-70. Elle se caractérise par l’occupation éphémère ou pérenne d’un espace donné pouvant être intérieur ou extérieur. Différentes techniques d’expression et de représentation, comme la mise en espace de peinture, de sculptures ou d’objets, reviennent le plus souvent. Parfois la participation du spectateur est sollicitée affirmant ainsi le rôle du regardeur de manière dynamique. L’installation ne sollicite pas seulement le regard, elle est souvent immersive : elle enveloppe le spectateur dans un espace imaginaire et lui propose des expériences sensorielles nouvelles.

Installer Du latin médiéval « Installare »

Mettre un dignitaire dans une stalle

Mettre dans une charge ecclésiastique (XVème)

Mettre en un endroit (XVIème)

Installer une maison (XIXème)

« Si l’on cherchait à retracer quelles sont, en art, les sources et les racines profondes de ce que l’on recouvre aujourd’hui du nom d’installation, il faudrait sans doute remonter fort loin. Jusque, par exemple, aux crèches et aux tableaux vivants de nos églises qui, sans cesser de « faire tableau » et tout en continuant à s’offrir au spectateur dans le cadre d’une vision frontale, tendent déjà à sortir du cadre et à pénétrer l’espace environnant. Tout ce qui, ensuite, relève d’une forme de théâtralisation des arts plastiques aura contribué, dans le cours du XXe siècle, à la mise en place des éléments que l’on retrouve au sein de ce que l’on nomme, aujourd’hui, une installation. Celle-ci se présente, dans tous les cas, comme une sorte de chambre sensorielle, comme un espace (plus ou moins clos) au sein duquel le spectateur pénètre pour faire une expérience esthétique originale. L’étroite mise en relation des éléments de l’installation est capitale. Elle ne constituerait, autrement qu’une sorte de bric-à-brac de matériaux et d’objets divers.» Confronté à la bidimentionnalité de la peinture et à la tridimentionnalité de la sculpture, la situation de l’installation est, on le voit, très particulière. Elle se rapproche finalement davantage de l’architecture (et de ses habitacles) ou du théâtre (envisagé comme cube ou boîte ouverte). Ici se situe ce qu’il faudrait appeler le corps de l’installation, celle-ci apparaissant originellement comme une sorte de tableau qui se prolonge au-delà de lui même, ou comme une sculpture devenant environnement, rejoignant la dimension de l’habitacle » Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne, Florence de Mèredieu, Larousse, 2002

L’installation interroge de manière critique les typologies classiques des oeuvres d’art, elles peuvent être peintures créant une relation avec l’espace et il en va de même pour la sculpture. L’installation peut également questionner les nouveaux médiums comme la vidéo, internet, ou la photographie.

Les frontières entre l’artiste et sont public sont parfois remises en cause.

L’artiste Allan Kaprow parle, dès 1958, d’« environnement » pour qualifier ses productions (Kaprow 6) qui consiste en l’aménagement d’une salle nécessitant l’intervention ou la mise en situation du spectateur et du lieu en une sorte de happening, qualifiée plus tard de « performance ».

Allan Kaprow et des participants à l’happening « Yard » de 1967, à New York

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Yves Klein invita le public à visiter l’espace de la galerie Iris Clert à Paris pour présenter sa dernière œuvre, « l’Exposition du vide » : sol, plafond et murs peints en blancs, le tout éclairé par une lumière bleutée. Les dimensions ludiques, participatives, mobiles sont déjà présentes dans ces œuvres avant-gardistes.

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En 1960, Arman répond au vide de Klein en exposant le contenu de deux camions d’ordures déversées dans la même galerie, jusqu’à la rendre impénétrable et l’intitule Le plein.

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Marcel Duchamp laisse de manière posthume une oeuvre Etant donnés commencée en 1946 et achevée en 1968. L’artiste parlait de cette oeuvre comme d’une approximation démontable accompagnée d’un cahier des charges. Modèle en kit, cette oeuvre a pu voyager de Musées en Musées.

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Il est intéressant de faire le parallèle de ce dispositif avec l’oeuvre de Dürer, une gravure dans son traité de dessin.

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En 1963 Wolf Vostell expose à la Galerie Smolin de New York une installation temporaire appelée 6 TV Dé-coll/age.  La vidéo offre pour la 1ère fois la possibilité de voir plusieurs images évoluer en même temps et dans un même espace.

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Un artiste comme Nam June Paik fut le premier à utiliser une technique mixte, associant téléviseur, vidéo, sons et lumières.

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L’une des difficultés à cerner ce médium est l’hétérogénéité des concepts auxquels il se confronte. Car l’installation n’est pas liée à un mouvement artistique particulier : on la retrouve régulièrement, avec deux points culminants dans les années 1980 et 1990, mise à l’honneur par certains groupes artistiques enclins à travailler des développements formels et conceptuels inédits.

Peinture et installation:

Buren a réalisé de nombreuses installations avec une réflexion sur la peinture. Ses rayures le caractérisent.

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Tania Mouraud avec ses célèbres inscriptions de textes déformés sur les murs jusqu’à devenir illisibles nous donne un deuxième exemple. On voit bien que la peinture est spatialisée et conçue pour un lieu déterminé.

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John Armelder

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Barcelo, Salle des Droits de l’Homme. ONU, Madrid. 2009, la peinture est projetée au plafond.

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Anish Kapoor, son canon projette des boules de cire sur les murs. (un mélange de cire et de vaseline, en réalité)

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Installation aux Beaux-Arts de Nantes. L’ensemble bouge très lentement.

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Georges Rousse installe ses anamorphoses peintes dans un espace donné.

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L’installation et la sculpture:

Kurt Schwitters, Merzbau, on voit bien le dialogue avec l’espace environnant. L’oeuvre est faite en fonction du lieu. Kurt Schwitters, tout au long des années 1920, transforme plusieurs pièces de sa maison de Hanovre en un genre de sculpture habitable le Merzbau.

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George Segall expose ses personnages moulés à partir du corps humain dans des environnements du quotidien.

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Jean-Pierre Raynaud transforma sa maison en installation, en recouvrant toutes les surfaces de carreaux blancs

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Ernesto Neto, « We stopped just here at time », 2002

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La voûte de Lefevre, Matter design, la sculpture f-noue un dialogue avec l’espace architectural

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L’installation et la photographie:

La photographie avec l’installation devient spatiale.

L’artiste JR a réalisé une installation monumentale de photographies au Panthéon

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Miguel Cianca Installation photographique

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L’installation et la lumière :

Christian Boltanski, dans son œuvre « Les ombres » l’air agite avec des ventilateurs de petites figurines, qui projetées sur les murs alentour au moyen de spots lumineux deviennent irréelles et macabres

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Claude Lévèque a réalisé des installations lumineuses. L’espace est redessiné par la présence de la lumière.

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François Morellet avec ses néons:

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James Turrell acquiert en 1977 un cratère en Arizona Roden Crater dans lequel il sculpte des cavités en béton pour voir le ciel. « Ce qui m’intéresse, c’est la nature de la perception. Je montre que la perception est une interaction du moi et de l’évènement… Dans mon œuvre, vous vous voyez en train de voir. C’est une opération réflexive… C’est l’acte d’éprouver, de sentir qui est sensuel et non l’objet de cette sensation. » 

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L’installation et les objets:

Jean Tinguely

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Damian Ortega, dans Cosmic Thing, déstructure une coccinelle Volkswagen et suspend chaque pièce comme un diagramme éclaté dans l’espace

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Kawamata installe des chaises pour en faire des oeuvres monumentales. L’objet est accumulé et installé dans un équilibre qui peut nous apparaître instable.

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Tony Cragg

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Les installations de fils:

Chiharu Shiota

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Claire Morgan

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 L’installation et le spectateur :

L’art interactif est une forme d’art dynamique qui réagit à son public et/ou à son environnement. L’œuvre interactive est un objet informationnel, manipulable. On peut distinguer deux registres de l’interactivité : celle avec un agent humain et celle sans agent humain. Dans ce deuxième cas, l’agent peut être des éléments de la nature ou de l’environnement. Avec l’art interactif, le spectateur et/ou l’environnement deviennent des éléments de l’œuvre, au même titre que les autres éléments qui la composent. »

Chambre à musique de Jean-Robert Sedano et Solveig de Ory à Montpellier en 1983

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Le Tunnel sous l’Atlantique (1995),Maurice Benayoun, installation interactive de réalité virtuelle reliant les villes de Paris et de Montréal

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L’art interactif utilise souvent des moyens numériques, mais, ne faisant pas de la dimension numérique un caractère nécessaire, il ne peut être totalement confondu avec l’art numérique qui englobe l’art génératif et les productions faisant appel à la numérisation du signal sans interaction.

« Cloud » est une installation interactive de l’artiste Caitlind rc Brown exposée pendant la Nuit Blanche du 15 septembre 2012 à Calgary, en Alberta, au Canada.

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Smigla-bobinski, installation interactive Œuvre qui ne peut fonctionner que si le spectateur la manipule ou se prête au jeu d’une expérience interactive ou sensorielle: c’est une oeuvre participative.

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L’installation et l’immersion :

Yayoi Kusama, née en 1929 à Matsumoto, préfecture de Nagano est une des plus grandes artistes contemporaines au Japon.  Le travail de Kusama, qu’elle qualifie d’obsessionnel, est fondé sur la répétition et la multiplication de signes. L’année 1960 voit le lancement de son Manifeste de l’oblitération : « Ma vie est un pois perdu parmi des millions d’autres pois… ». Enfant, Kusama avait eu la vision hallucinatoire d’un motif en forme de pois décorant une nappe familiale se répéter dans la pièce. Dès lors, son univers en sera peuplé et ses installations habitées, d’une multitude de pois colorés mais aussi de miroirs ou de formes phalliques répétées à l’infini. Elle nous plonge dans son univers.

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Chiharu Shiota

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Personnes, Christian Boltanski, le spectateur évolue dans l’installation où il entend des coeurs battre, ceux des visiteurs. Il fait froid. La température invite au recueillement. Œuvre en trois dimensions dans laquelle le spectateur
peut entrer, il s’agit d’une oeuvre environnementale.

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L’installation et les sens :

Les sens sont sollicités dans de nombreuses installation. Par exemple, l’oeuvre de Wolfgang Laib s’adresse pas seulement à la vue mais aussi à l’odorat. Personnes de Christian Boltanski quant à elle est une oeuvre à écouter.

Jesus Rafael Soto propose des pénétrables: des oeuvres à toucher avec les mains et avec le corps.

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On peut non seulement admirer l’intervention architecturale de Penelope Stewart, mais on peut aussi la toucher et la sentir, ce que ne se gênent pas de faire les enfants.

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 »Félix González-Torres », né le 26 novembre 1957 à Guáimaro et disparu prématurément à l’âge de 39 ans le 9 janvier 1996 à Miami. Il est américain d’origine cubaine, et c’est un artiste majeur de la scène artistique contemporaine. Félix Gonzalez-Torres aborde différents thèmes comme ceux de la maladie, de la mort et de la sexualité à une époque ou le sida se développe et soulève des enjeux politiques et sociaux déterminants. Lui même d’ailleurs est atteint de cette maladie et en mourra. Son installation qui convoque le goût met en scène les dangers de la transmission des maladies.

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Les installations et le temps :

Les installations éphémères: Les installations jouent du paramètre temporel selon des modalités différentes. Les œuvre peuvent être pérennes, évolutives, provisoires, dégradables, éphémères…

Le Land Art est une tendance de l’art contemporain utilisant le cadre et les matériaux de la nature (bois, terre, pierres, sable, rocher, etc.). Le plus souvent, les œuvres sont à l’extérieur, exposées aux éléments, et soumises à l’érosion naturelle ; ainsi, certaines œuvres ont disparu et il ne reste que leur souvenir photographique et des vidéos.

Wolfgang Laib, oeuvre crée avec du pollen

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Les premières œuvres ont été réalisées dans les paysages désertiques de l’Ouest américain à la fin des années 1960. Les œuvres les plus imposantes, réalisées avec des équipements de construction, portent le nom d’Earthworks.

Spiral Jetty deRobert Smithson (1970) était une longue jetée de 457 m de long et de cinq mètres de large environ au bord du Grand Lac Salé. Elle fut engloutie par une brusque montée des eaux en 1972

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Christo et Jeanne Claude, réalisent de nombreux projets à grande échelle (empaquetage de monuments, encerclement d’îles, kilomètres de clôtures). La planification de leur travail prend des années pour une installation sur le site limitée dans le temps

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L’installation et l’art numérique:

« multimédia »: terme adopté par la société Apple computer pour désigner la réunion sur un ordinateur personnel de l’image, vidéo, son et texte. Le support numérique permet de se réapproprier des médiums qui existaient déjà:  Il permet aussi et surtout d’apporter une esthétique nouvelle, un nouveau questionnement lié à un nouveau mode de
perception.

Pia Myrvold : Video Spiral Pink Hue, installation incluant 32 écrans Led. À l’origine peintre, la Norvégienne a fait du croisement des techniques « traditionnelles » et des nouvelles technologies sa spécialité.

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Miguel Chevalier, Origine du monde

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Jeffrey Shaw, le dispositif réagit en temps réel

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Des installations hybrides:

Wang Du: Tunnel espace-temps , 2004, acier, journaux, téléviseurs et décodeurs numériques

Sortie du tunnel et entrée dans l’exposition… Les sens sont à l’oeuvre par l’intermédiaire du corps. Arts traditionnels et art numérique font bon ménage.

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Une installation qui prend une amende:

Erwin Wurm est spécialiste des voitures courbes qui grimpent sur les murs. Un policier n’a pas compris qu’il s’agissait d’une oeuvre d’art et a collé un Procès verbal pour stationnement interdit avec une amende de 30 euros.

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Sources:

http://www.ac-nice.fr/ia06/eac/file/PDFAV/installation.pdf

http://195.83.128.55/~dfort/licence/L%92art_contemporain_et_les_arts_num%E9riques.pdf

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