Le statut de l’erreur en arts plastiques.

Le statut de l’erreur dans les apprentissages est profondément lié au type d’enseignement.

« L’erreur est considérée comme une « faute » dans le modèle d’apprentissage dit « transmissif ». Il s’agit d’une « faute » puisque cette erreur est mise à la charge de l’élève qui ne se serait pas assez investi, qui n’aurait pas mis en œuvre toutes ses compétences, qui n’aurait pas assez travaillé. Dans ce contexte, l’erreur doit être mentionnée et évidemment sanctionnée. »(2)

Et là,  le professeur se fait un devoir de matérialiser l’erreur sur la copie (souvent en biffant ou en soulignant en rouge), afin de faire remarquer qu’il a bien vu l’erreur.(2)

L’erreur peut avoir une toute autre place dans les apprentissages des élèves. L’acquisition de compétences passe par des ajustements et des réajustements.

Stanislas Dehaene dans un article démontre qu’il y a quatre piliers dans les apprentissages :

Le premier pilier : l’attention. L’enfant doit être totalement plongé dans son activité sans être distrait

Le second pilier : l’engagement actif. L’enfant doit maximiser sa curiosité.

Le retour sur erreur est le troisième pilier de l’apprentissage. Mais il implique d’accepter les erreurs…

La consolidation est le dernier pilier. L’automatisation des informations libère les ressources.

Imaginons un enfant qui répond à la consigne consistant à « transformer sa feuille de papier en paysage ». Mécontent de son résultat ou tout simplement par maladresse, il déchire une partie de la feuille. Son stress est au maximum et il génère des émotions négatives. Que doit-on faire ? Lui dire de recommencer ?

Il y a une solution beaucoup plus douce et féconde à proposer à l’élève : que pourrait devenir cette déchirure dans ton paysage ? A lui de trouver la réponse. Elle peut devenir éclair dans le ciel, branche d’un arbre, etc

Autre cas : un élève, toujours pour cette même consigne fait une tache sur sa production. Il est prêt à tout détruire et à jeter à la poubelle. Avant de le laisser abandonner sa production, ne serait-il pas judicieux de lui demander à quoi lui fait penser cette tache ? Ainsi, celle-ci pourrait devenir un animal par exemple dans le paysage. L’élève non seulement découvre comment tirer parti du fortuit mais également de nouvelles techniques et actions pour répondre à la consigne.

On peut lui citer l’exemple de Marcel Duchamp avec le Grand Verre qui lors d’une exposition a été cassé. L’artiste a décidé d’intégrer les fêlures à son oeuvre.

La sérendipité est un concept venant d’un néologisme anglais la « serendipity », un mot inventé en 1754 par le philosophe anglais Horatio Walpole pour qualifier l’art de tirer partie de l’inattendu. Il ne s’agit pas ici de s’en remettre au hasard pour créer, mais de savoir observer les indices fortuits qui apparaissent au cours du travail, et de les intégrer pour infléchir le résultat recherché à l’origine, pour l’enrichir, voire le transformer totalement. « Les erreurs sont les portes de la découverte » disait James Joyce.

En 1962 avec Card File, Robert Morris exploite et souligne la place structurante de l’erreur dans le processus de création. Il rédige des fiches de l’élaboration de l’oeuvre en tenant compte des fautes de frappe devenant par ce biais des éléments du processus de création.

« Les compositions désaccordées de Manet multiplient les paradoxes, génèrent un jeu d’emboîtements dont la complexité tient en partie à la présence en creux de références multiples au sein d’une même toile. Incohérences et inversions s’y multiplient, pour un tableau fragile, qui déstabilise l’unité classique. Ici, les mouvements erratiques ne sont pas uniquement dissonants par rapport à une norme, ils contribuent à construire un système paradoxal qui fonctionne sur le mode de la dislocation. Le flottement des figures manetiennes offre le montage comme l’un des modes d’existence privilégiés de l’image. » (1)

L’erreur en arts plastiques détournée prend ainsi de la valeur dans les productions des élèves. Il n’éprouve pas ce sentiment de culpabilité lié au fait de s’être trompé. Une approche décomplexée de l’erreur en arts plastiques permet aux élèves d’expérimenter de nouvelles pistes qu’ils n’auraient peut-être pas imaginées.

« L’erreur est, nous le voyons, à considérer comme une information à prendre en compte dans le processus didactique et dans le processus pédagogique. » (2) 

 » L’erreur est considérée, apprivoisée, aménagée dans les laboratoires de recherche alors qu’elle est pourchassée de la maternelle à l’université… »(2)

Typologie des erreurs par Frédérique Cauchi-Bianchi IA.IPR Lettres Le texte dont le lien est ci-dessous renvoie à l’intégralité du texte de M. Cauchi-Bianchi dans le cadre d’une formation de formateurs.

1 Erreurs relevant de la compréhension des consignes.

2 Erreurs résultant d’un mauvais décodage des règles du contrat didactique.

3 Erreurs témoignant des représentations notionnelles des élèves.

4 Erreurs liées à la nature des opérations intellectuelles.

5 Erreurs provenant des démarches adoptées par les élèves.

6 Erreurs dues à une surcharge cognitive.

7 Erreurs liées au fait que les élèves ne font pas le rapprochement entre des outils déjà utilisés dans une discipline et ceux qui sont requis pour une autre discipline.

8 Erreurs résultant de la complexité propre du contenu. (2)

 

(1)Doriane Bier, Myriam Chasserieau, Marion Delecroix et Charlotte Serrus, « Devenirs féconds de l’erreur  », Les chantiers de la création [En ligne], 2 | 2009, mis en ligne le 06 novembre 2014, consulté le 15 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/lcc/762

(2)http://www.ac-nice.fr/lettres/index.php/graines-a-semer/139-le-statut-de-l-ereur-dans-la-classe-et-pour-les-apprentissages

Image d’en-tête : Elen Pras, graphiste illustratrice

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