La couleur dans l’art

Les couleurs dans l’art

(article en cours de rédaction)

Une promenade de la couleur dans l’art à travers les âges et ses métamorphoses, son incarnation lente mais fulgurante au XXème siècle où elle devient un matériau à part entière sont les propos de ce nouvel article.

« Un tableau est essentiellement une surface plane, recouverte de couleurs, en un certain ordre assemblées » Maurice Denis

Mais laissons d’abord s’exprimer les poètes:

« La terre est bleue comme une orange. » Eluard

La terre est bleue comme une orange » est une métaphore (Procédé qui consiste, par analogie, à donner à un mot un sens qu’on attribue généralement à un autre.) qui dans une première lecture peut apparaître absurde mais qui finit par imposer sa légitimité et ne cesse plus à qui la médite de livrer ses richesses. La terre et l’orange ont toutes deux cette plénitude sphérique. La couleur bleue est porteuse de félicité car elle se rattache à l’azur du ciel, à l’air, à l’idéal. D’autre part, la matière et la texture de la peau d’orange peuvent évoquer la rugosité de la terre.

A noir, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
– O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! –

Arthur Rimbaud

Couleurs

Au-dessus de Paris
la lune est violette.
Elle devient jaune
dans les villes mortes.
Il y a une lune verte
dans toutes les légendes.
Lune de toile d’araignée
et de verrière brisée,
et par-dessus les déserts
elle est profonde et sanglante.

Mais la lune blanche,
la seule vraie lune,
brille sur les calmes
cimetières de villages.

Federico Garcia Lorca, Chansons sous la lune

« Le noir est le refuge de la couleur. »

Gaston Bachelard

Les pigments:

Un pigment est une substance chimique ou naturelle colorante insoluble dans le milieu qu’elle colore.

Fabriquer sa peinture n’est pas une tâche compliquée. L’important c’est de savoir que toutes les techniques utilisent l’ingrédient universel qu’est le pigment. Il peut être extrait de roches ou de pierres semi-précieuses comme le lapis lazuli. Il peut être chimique comme c’est le cas aujourd’hui.

Les pigments sont, généralement, des poudres. La finesse et la forme des grains peuvent changer assez considérablement la teinte du pigment broyé, en agissant sur la proportion de rayons lumineux réfléchis par la surface des grains par rapport à ceux qui les traversent.

Les pigments minéraux: Ce sont les terres, ocres, lapis-lazuli, cinabre, oxydes de fer et de cuivre naturels, connus pour certains depuis la Préhistoire. À partir du XIXe siècle, beaucoup de pigments naturels ont été reproduits par synthèse chimique. Le bleu Guimet reproduit l’outremer extrait du lapis-lazuli ; l’alizarine remplace la garance ; l’indanthrone l’indigo.

Pendant la guerre 39-45, l’usine chimique IG Farben produisait des colorants mais aussi le célèbre gaz Zyklon B qui a servi à l’extermination des déportés dans les camps nazis.

Aux temps préhistoriques:

« On ignore encore tout de l’usage que les hommes préhistoriques faisaient de l’ocre et autres colorants, mais on peut aller jusqu’à imaginer, sur la foi des documents ultérieurs, que, comme à partir de 35000 les Aurignaciens, ils créaient des formes, symbolisaient le sang et la vie avec le rouge, disposaient des différentes teintes pour leur décoration corporelle »
(Leroi-Gourhan, 1976).

D’origine minérale ou organique : Les deux couleurs qui dominent largement dans l’art peint préhistorique sont le noir et le rouge. Les bruns, jaunes et blancs sont utilisés également mais moins systématiquement. Inutile de se demander s’il s’agit d’un choix stylistique ou non car nous n’avons aucun moyen d’y répondre aujourd’hui. Les peintres préhistoriques utilisent les ressources dont ils disposent.

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L’Egypte ancienne:

Les Égyptiens de l’Antiquité donnaient aux couleurs principales une valeur symbolique issue de la perception qu’ils avaient des phénomènes naturels en corrélation avec ces couleurs : le jaune du soleil, le vert de la végétation, le noir de la terre fertile, le bleu du ciel ou encore le rouge du désert.

Pour la peinture religieuse, les prêtres n’autorisaient généralement qu’un nombre limité de couleurs : blanc, noir, les trois couleurs de base (rouge, jaune et bleu) ainsi que leurs combinaisons (vert, brun, rose et gris). La peinture se fait par aplat de couleur ; seule la période amarnienne dérogera à cette règle en proposant de subtils dégradés

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L’Antiquité:

Un musée danois a décidé de reproduire des antiquités gréco-romaines en y ajoutant de la couleur. Le résultat est… surprenant. Les statues étaient recouvertes de couleurs.

«Ces statues étaient regardées comme des modèles, et perçues comme entièrement blanches, alors que leurs couleurs ont juste disparu avec le temps.  Il y a donc eu une mauvaise interprétation de la part d’un petit groupe de l’élite, très cultivée et influente, qui s’est codifiée et transmise dans l’art.»

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Jeune Romain, 3ème siècle après J-C, marbre.

Il est relaté dans l’Antiquité une légende opposant deux peintres illustres: Zeuxis utilisait tous les trucs du trompe-l’oeil. Ses tableaux frappaient dès le premier regard, tandis que Parrhasius apparaissait comme le challenger car il fallait du temps pour apprécier sa peinture.

Zeuxis se présenta donc le premier, sûr de lui. Il souleva le rideau qui cachait sa peinture, et l’on découvrit une simple coupe de fruits, avec des poires et du raisin. Pendant un long silence, le jury contempla l’oeuvre, quand soudain un oiseau se posa à côté d’elle et commença à picorer la grappe. Se heurtant au mur, il tomba sur le sol. Tout le monde était stupéfait. Le jury n’aurait pas à se prononcer, car l’oiseau lui-même avait pris la décision.

C’est alors que Parrhasius se présenta. Chacun se tourna vers le mur et attendit. Parrhasius restait parmi la foule. Allons, regardons! dit Zeuxis. Il faut que Parrhasius soulève le rideau, mais ce dernier ne bougeait pas. La foule commença à grommeler. Mais alors, qu’est-ce qu’il attend? Le jury insistait. C’est alors que Parrhasius répliqua : Je n’ai rien à faire, vous regardez déjà l’oeuvre. Alors seulement, on se rendit compte qu’il avait peint un rideau de manière tellement réaliste que personne ne s’en était rendu compte.

Zeuxis ne discuta pas la victoire de Parrhasius.

On voit qu’à cette époque, le rendu des couleurs locales est important pour permettre le trompe-l’oeil. L’imitation des couleurs de la nature est un art qui se perdra par la suite au profit des couleurs symboliques.

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La Maison de Livie à la Prima Porta (fin du 1er siècle), propose le trompe-l’oeil d’un jardin, avec des haies et des arbustes sur un fond de ciel bleu

Les couleurs dans l’art chinois:

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Femmes jouant au double sixes, par Zhou Fang (730-800 Av. J.-C.), Chine.

Dans la langue moderne chinoise couleur se dit «Yan Se» mais dans l’ancienne Chine ce mot signifiait «expression faciale».

Les couleurs en présence sont :
la première couleur est le noir  (le yin). C’est le noir de calcination de la résine du pin qui est lié à de la colle.
les autres couleurs sont le rouge vermillon, le bleu indigo, l’ocre rouge, le jaune gomme-gutte, le blanc d’huître et de la poudre d’argent.

Ces couleurs exaltent la vitalité, les forces d’un univers fondé sur l’alternance des principes complémentaires :
le sombre ou Yin et l’éclatant ou Yang. L’ombre et la lumière.
Le Rouge (le Yang) et le Noir (Yin) exaltent les vitalités.

En général le noir est réservé à la vie quotidienne et le rouge est attribué aux divinités et êtres extraordinaires  du monde d’en haut.
Rouge et noir profond, assemblés forment une couleur sombre le Xuan. Dans le livre de Yi King (le livre des Mutations), la couleur noire était considérée comme la couleur des cieux.
Cette couleur sombre désigne l’origine du monde : son opposé est la terre de couleur jaune.

Un principe cosmique des correspondances est permanent. dans l’art chinois. Les cinq éléments sont l’eau, le feu, le bois, le métal et la terre ce qui correspond respectivement aux couleurs noir, rouge, bleu-vert, blanc et jaune.

C’est pourquoi 5 couleurs servent à peindre:
– Hei, le noir convient à l’hiver.
– Chi le rouge couleur du cinabre convient à l’été ( la couleur du feu). Le rouge est l’une des couleurs aimées des Chinois. Dans la célébration de la nouvelle année, des vacances et lors des rassemblements, la couleur rouge est une obligation.
Bai, le blanc convient à l’automne.
Huang, le jaune se rapporte à toute saison intermédiaire.
– Qing, le bleu vert, c’est le printemps : c’est la couleur de la nature, du ciel azuré, de la mer, et de la montagne au loin. 

 

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Les couleurs dans l’art de l’Islam:

Le rapport de l’Islam à la couleur est particulier.
Dès les débuts, l’Islam montre une prédilection pour le blanc, le vert et le noir.

Le blanc et le noir sont des couleurs élémentaires, achromatiques.
– Le blanc est symbole de pureté et les pèlerins sont vêtus de blanc : c’est une couleur joyeuse et bénéfique.

– Le noir jouit d’une grande considération: un turban noir signifie que le religieux descend de la lignée du prophète. Le noir est la couleur dynastique des Abassides.

– Le vert est incontestablement la couleur islamique par excellence. (cette couleur est fréquente dans les drapeaux en orient)
Issue de montagnes désertiques, la civilisation musulmane montre ainsi sa prédilection pour l’eau et la végétation. L’eau et la ciel peuvent paraître verts.
Le vert est la couleur du basilic qui est un parfum du Paradis. Le jardin du paradis est vert et c’est la couleur de l’éternité. Le printemps, le renouveau de la vie sont toujours verts.

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Miniature de Rose Garden of the Pious. Jami. 1553

 

La période byzantine:

Dans l’art byzantin, la graphie vient en premier lieu : ce sont des concepts, des images (non faites de main d’homme).
C’est le dessin qui fixe les traits des figures sacrées et met en relation le visible avec l’invisible. La couleur est symbolique.
En second lieu, la dominante colorée dans l’art byzantin est l’or.

– le blanc associé à l’or (obligatoire pour les vêtements du Christ)
– le bleu de cobalt utilisé pour le maphorion (ceinture, manteau) de la Vierge.
– le pourpre foncé couleur de la royauté, utilisé aussi pour le maphorion.
L’ocre, le violet, le vert foncé, le rose, ont aussi une importance dans les mosaïques.

Le blanc est le reflet de la lumière ; ses traits lumineux soulignent les portraits et gestes pour signifier l’illumination intérieure qu’ils laissent transparaître.

Le blanc est la couleur du vêtement du Christ transfiguré ou encore du Christ après sa résurrection, c’est aussi la couleur des anges et des élus du ciel. On la trouve sur les saints, les Justes, les bons.
C’est la couleur de la Lumière Divine, de la Grâce et de la Théophanie.

Le blanc est symbole de pureté, de sainteté et de simplicité.

Le bleu: couleur céleste, symbole du monde éternel, elle montre le chemin de la Foi et exprime l’envol vers Dieu. C’est aussi la couleur de la Vierge Marie. .

Le bleu marine marque une participation au divin, à la transcendance, à l’infini.

Le bleu clair symbolise la sagesse et rehausse quelquefois les traits blancs des visages qu’il anime.

Le rouge symbolise en positif, le don, la chaleur, l’amour, le sacrifice des martyrs, la résurrection.

En négatif, c’est le feu éternel de l’enfer et les mauvaises passions.

Le feu de l’Esprit est lui orangé tirant sur l’or.
Le rouge est l’habit des séraphins, c’est le feu divin dont brillent les ailes des anges et des archanges.

 Le noir est la négation de la lumière, c’est la couleur du mal, des damnés, des démons, de l’enfer, du chaos et de la mort. C’est le symbole des ténèbres, du néant de la création rejetant ou ignorant son créateur. On voit bien la différence symbolique entre l’art byzantin et les traditions chinoises.

Le noir des vêtements signifie le renoncement au monde et exalte le rayonnement des visages lumineux nimbés d’or.

Il est aussi symbole du passage qui conduira au renouveau.

Le vert est la couleur du végétal, signe de vie et de renouveau. Il symbolise la participation au divin (mélange du bleu et du jaune) et au terrestre (le vert des plantes) vivifié par la lumière. Très riche en modulations de tonalité, il symbolise la régénération spirituelle.
C’est le symbole du renouveau spirituel, la couleur des prophètes et de l’évangéliste Jean. On le trouve dans les scènes de nativité.

Le brun est la couleur de la terre, il est utilisé le plus souvent pour les visages et les parties les plus visibles du corps humain tiré de la terre et destiné à y retourner. C’est aussi le signe de l’humilité, de la pauvreté. Il rappelle la condition humaine soumise à la mort.

Le rouge et le bleu sont souvent associés car ils créent une harmonie, même s’ils sont symboliquement très contrastés.

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Au XV° siècle, cette composition, qui est une préfiguration de la Passion du Christ, connut une grande diffusion et inspira l’exécution d’un grand nombre d’icônes. Le rouge du manteau de la Vierge symbolise la Passion du Christ ou autrement dit sa vie de calvaire faite de souffrances et de supplices.

Le Moyen-âge :

C’est au Moyen Âge que le bleu est peu à peu devenu, à partir du XIIe siècle, la couleur emblématique de l’Occident chrétien. Couleur de deuil éclaircie, égayée, elle est devenue celle de la Vierge. Suger puis saint Bernard, par l’influence qu’ils eurent sur le roi en firent peu à peu, sur un terrain cependant favorable, la couleur royale ; associée au lys, lui aussi marial. Les couleurs ont au Moyen Âge, une valeur ; participant de la lumière elles sont aussi une émanation de Dieu.

La symbolique des couleurs

Couleur
Vertus ou qualités
Vices ou péchés
Argent (blanc)
pureté, chasteté, justice, espérance, étérnité mort, désespoir, ambiguïté
Or (jaune)
richesse, noblesse, foi avarice, fausseté, félonie, trahison, paresse, envie
Gueules (rouge)
force, courage, largesse, charité; orgueil, cruauté, colère
Azur (bleu)
loyauté justice, sagesse, science, fermeté, amour fidèle sottise, roture, bâtardise
Sable (noir)
humilité, patience, tempérance, pénitence deuil, désespoir, mort
Sinople (vert)
beauté, jeunesse, vigueur désordre, folie, amour infidèle, avarice

 

La querelle entre « chromophiles » (partisans de la couleur), en tant qu’elle représente le divin et « chromophobes » (adversaires de la couleur, en tant qu’elle représente la matière vile et est un artifice futile ajouté par l’homme à la Création, conception des cisterciens) aboutit à la victoire des premiers à la fin du XIIe siècle, les couleurs principales médiévales (blanc, jaune, rouge, vert, bleu et noir) se diffusant alors sur les vêtements et dans les églises.

 

Les Très riches heures du Duc De Berry

La Renaissance:

Au début du XIVe siècle, les théories sur la couleur issues de l’Antiquité et du Moyen-âge continuent à prédominer, alors que certains esprits scientifiques s’essayent à la construction des premiers espaces de couleurs. Parallélement à cette évolution, les peintres et les artistes ont déjà une bonne connaissance des mélanges de couleurs. On découvre alors que l’ensemble des couleurs peuvent être obtenues à partir d’une base de trois couleurs primaires : le bleu, le rouge et le jaune. Léonard de Vinci hésite entre une palette primaire à trois couleurs et une palette à quatre couleurs en y incluant le vert.

La peinture à l’huile est une des techniques picturales, dans laquelle on utilise un mélange de pigments et d’huile siccative (le liant ou véhicule), permettant d’obtenir une pâte plus ou moins épaisse et grasse. Elle permet d’obtenir davantage de nuances qu’avec la peinture à l’eau.

Les artistes cherchent à imiter les couleurs de la nature avec un rendu plus fidèle même si la symbolique de celles-ci est toujours d’actualité. Les deux systèmes cohabitent.

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Botticelli, Le Printemps, Ce tableau est lui aussi consacré à célébrer la Vie qui commence à s’épanouir au printemps. Portant le manteau que Flore lui tendait dans le tableau précédent, Vénus ne dissimule pas qu’elle est enceinte et n’en a aucune honte. Les Trois Grâces dansent ensemble pour fêter le retour de la Vie après le sommeil de l’hiver. Ces dernières sont blanches pour montrer leur pureté.

Van Eyck réussit à obtenir des nuances subtiles qui lui permettent de rendre des effets lumineux jusque là inexistants. Ci dessous, détail de la Chambre des Epoux Arnolfini

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Le baroque:

Au niveau de la composition picturale, la peinture baroque se caractérise tout d’abord par l’utilisation de nombreuses couleurs chaudes et vives qui vont du rose au blanc en passant par le bleu. D’autre part, les contrastes sont très présents, avec des jeux de lumière et d’ombre qui peuvent notamment être utilisés pour mettre en avant la masse musculaire de l’homme.

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La querelle au XVIIème entre partisans du dessin et les partisans de la couleur:

Le débat sur le coloris débute en 1673 ; on découvre de nouvelles possibilités de la peinture, dont la part proprement visuelle prend le dessus sur l’invention ou l’idée. Un dilemme s’est rapidement révélé: le mérite de la peinture tient-il au dessin ou à la couleur?   Le dessin était aussi supérieur à la couleur dans la mesure où la fin de la peinture était l’imitation. Le Brun disait: « C’est par le dessin que le peintre imite ». Poussin disait « Lisez l’histoire et lisez le tableau ».

Dans ses cours de peinture par principe, Roger de Piles définit avec clarté la Peinture comme « un art qui sur une superficie plate imite, par le moyen des couleurs, tous les objets visibles. » Il fait la distinction entre la couleur, qui rend les objets sensibles à la vue, et le coloris, qui est la partie essentielle de la peinture, « par laquelle le Peintre fait imiter les apparences des couleurs de tous les objets naturels, et distribuer aux objets artificiels la couleur qui leur est la plus avantageuse pour tromper la vue. »

Le but est dont d’imiter la nature, mais en la rendant plus belle. Pour se faire, il faut employer une couleur « artificielle ». La couleur naturelle est la couleur de l’objet dans son état primaire, mais si l’on désire embellir cet objet, le Peintre doit mélanger les couleurs naturelles, pour en faire des couleurs artificielles, et ainsi, rendre l’objet plus séduisant à la vue. « La science des lumières et des ombres qui conviennent à la Peinture est une des plus importantes parties et des plus essentielles de cet art. »

 

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Jacob demande à Laban la main de Rachel  (55x46cm. Orléans, musée des beaux-arts)
Les contours sont flous, et la touche donne l’apparence d’une esquisse. La couleur prédomine, la lumière est refletée par les vêtements et la nappe, rendus de manière très satinée.

La couleur au XIIIème siècle:

Dans le salon de 1763, tout se passe comme si Diderot découvrait la force de la couleur. « C’est le dessin qui donne forme aux êtres ; c’est la couleur qui leur donne la vie. Voilà le souffle divin qui les anime. Il n’y a que les maîtres dans l’art qui soient bons juges du dessin, tout le monde peut juger de la couleur. On ne manque pas d’excellents dessinateurs ; il y a peu de grands coloristes. »

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Antoine Watteau, La proposition embarrassante, 1715

Certains critiques d’art ont vu dans ses œuvres un signe avant-coureur de l’impressionnisme.

Les peintres impressionnistes: 

Une caractéristique des impressionnistes, c’est l’utilisation exclusive des couleurs primaires (rouge, bleu et jaune), et de leurs complémentaires (orange, violet et vert). Il n’y a plus de mélanges. Même les ombres sont représentées par des couleurs vives; c’est la juxtaposition de ces couleurs qui produit une impression d’ombre. L’image se compose dans les yeux du spectateur.

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Les nabis:

Les nabis se caractérisent par l’utilisation de grands aplats de couleurs « sorties du tube », sans mélange, par le cerne, la perspective absente ou fausse, la ligne d’horizon haute des paysages.

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Pluie en Bretagne. 28X 21.5cm.1889. Maurice Denis, dans cette peinture la pluie est représentée par des touches de pinceau; la couleur prédomine.

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Paul Sérusier, Le Talisman (1888)

 

 L’expressionnisme:

L’expressionnisme est la projection d’une subjectivité qui tend à déformer la réalité pour inspirer au spectateur une réaction émotionnelle. Les représentations sont souvent fondées sur des visions angoissantes, déformant et stylisant la réalité pour atteindre la plus grande intensité expressive. La couleur jour un grand rôle pour exprimer les sentiments.

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Emil Nolde 1911

Le fauvisme:

Son influence marque néanmoins tout l’art du xxe siècle, notamment par la libération de la couleur.

« Le fauvisme est venu du fait que nous nous placions tout à fait loin des couleurs d’imitation et qu’avec des couleurs pures nous obtenions des réactions plus fortes. »

« La couleur surtout et peut être plus encore que le dessin est une libération. »

Henri Matisse, Écrits et propos sur l’Art

Il ne s’agit plus de traduire les instabilités de la lumière comme l’avaient fait les impressionnistes, mais d’affirmer avec force le regard du peintre sur un monde auquel il donne ses couleurs.

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André Derain

Hitler, en 1937, a déclaré que ces artistes étaient « dégénérés », avec une cornée malade, car ils ne percevaient pas les bonnes couleurs. Il a détruit de nombreux tableaux de cette époque. Art dégénéré (en allemand : Entartete Kunst) était la plateforme officielle adoptée par le régime nazi pour interdire l’art moderne en faveur d’un art officiel appelé l’« art héroïque ».

L’avènement de la peinture acrylique:

La peinture acrylique est une technique picturale et un moyen de peinture utilisant des pigments mélangés à des résines synthétiques.

L’acrylique est une peinture excessivement récente, elle a été inventée dans les années 20. Dans un premier temps ce polymère a été utilisé dans la peinture en bâtiment du fait de l’importante résistance qu’il offre en tant que liant. Avant cela, les peintres utilisaient de la peinture à l’huile ou Aquarelle. Les impressionnistes néanmoins préféraient utiliser de la peinture à l’huile même à l’extérieur. L’apparition de l’acrylique est à mettre en parallèle avec l’invention de la photographie.

Les peintres devaient travailler de plus en plus vite et le temps de séchage de l’acrylique permit aux peintres de travailler en extérieur. De plus, de coût plus modéré, les peintres ont pu travailler avec plus de matière picturale, plus en pâte, obtenant ainsi de nouveaux effets picturaux.

L’origine de l’acrylique n’est pas parfaitement connue. Suivant diverses sources, son histoire varie.
Suivant Xavier de Langlais, les premières recherches sur l’acrylique et le vinyle ont eu lieu dans l’Allemagne des années 1930.

La principale qualité de la peinture acrylique est sa docilité : dilution à l’eau (sans excès), miscibilité, mélanges faciles à préparer, facilité d’application, polyvalence de supports, faible odeur. Elle est très solide et indélébile. Elle a la particularité de sécher très vite, en quelques minutes. C’est un avantage lorsqu’il s’agit de travailler plus rapidement les différentes couches, mais peut constituer un inconvénient en empêchant les retouches. Aujourd’hui, on peut trouver des acryliques à séchage ralenti (d’une heure à plusieurs jours).

Elle se différencie ainsi de la peinture à l’huile, très lente à sécher mais qui permet les fondus et les repentirs.(retouches).

Aux premiers temps de l’avènement de la peinture acrylique, l’huile était mieux considérée, plus noble, plus difficile à travailler. Mais rapidement, les artistes l’ont utilisée à cause de sa docilité et de sa rapidité au séchage.

Indépendamment des recherches menées en Europe, il semblerait que la résine acrylique fût également découverte au Mexique au début du XXe siècle

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David Alfaro Siqueiros, 1947, acrylique sur bois

Jackson Pollock, et avec lui le courant de l’ Action Painting, fût l’un des premiers artistes à incorporer ces résines synthétiques dans sa technique du « dripping » et participa grandement à leur démocratisation.

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Le monochrome au XXème siècle:

Le terme monochrome signifie au sens littéral : « qui est d’une seule couleur ». En effet, le mot vient du grec : mono qui signifie « seul », et chroma, la couleur.

Le Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch est souvent considéré comme le premier monochrome de la peinture contemporaine.

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Kasimir Malevitch : Composition suprématiste : carré blanc sur fond blanc (1918).

Yves Klein déposera un brevet pour son bleu depuis devenu célèbre

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La couleur dans l’art contemporain:

Anish Kapoor fait des installations avec des pigments qu’il sculpte selon des formes variées. La couleur se fait oeuvre et espace.

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La couleur a donc connu des périodes où elle a changé de sens pour passer du symbolique à la couleur locale à partir de la Renaissance. A l’époque contemporaine elle est utilisée pour ses qualités propres comme nous le montre Anish Kapoor. Elle devient sculpture monumentale avec sa densité propre. Elle s’expose avec les monochromes.

Mais qu’en est-il du numérique ?

La couleur matière n’a pas les mêmes propriétés que les couleurs lumière.

Pour comprendre les différences, reportez vous à l’article de Sylvia Ladic.

Le numérique avec ses millions de couleurs toutes faites facilitent le travail des artistes mais, sans la connaissance de base des mélanges, les effets risquent de ne pas être pertinents. On peut constater, avec l’avènement des tablettes, des APN et de l’informatique la tendance actuelle à la saturation des couleurs et aux contrastes. Ce même phénomène se traduit en musique avec la montée des basses qui changent la perception de la musique.

Mais les artistes du numérique utilisent la couleur et de nombreux effets pour montrer une réalité transformée soit sublimée soit au contraire altérée.

La saturation atteint son paroxysme avec Hubert Hamot

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Le monochrome virtuel avec Reynald Drouhin: http://www.reynalddrouhin.net/works/ipm/ l’adresse IP de votre ordinateur engendrera un monochrome particulier.

Didier Soret propose ici des oeuvres numériques sur le Piton de la fournaise à la Réunion dont il a revu les couleurs et les contrastes:

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La couleur est donc une affaire culturelle autrefois liée aux religions. Le noir par exemple couleur du deuil en Occident n’est pas la même en Chine. Les symboliques des couleurs varient en fonction des continents. Durant de nombreux siècles, les peintres cherchèrent à imiter les couleurs de la nature mais là aussi il s’agit de conventions. Nous ne percevons pas tous les mêmes couleurs de la même manière. La couleur devint expression puis élément unique constitutif du tableau avec les monochromes. Au XXème siècle, par l’intermédiaire des pigments, elle s’expose à l’état brut. La culture du numérique a modifié notre perception du monde. Le public attend des contrastes plus forts avec de la saturation comme si les nuances subtiles n’étaient plus perceptibles. Il en est de même dans le cinéma où des personnes spécialisées dans les couleurs donnent au film une ambiance colorée générale.

Sources:

http://viapictura.over-blog.com/article-17892179.html

http://viapictura.over-blog.com/article-7182667.html

http://www.perigord.tm.fr/~memoiresvive/couleurs.htm

Autres thématiques dans le site:

 http://perezartsplasti ques.com/les-notions-dans-les-arts-plastiques/

6 commentaires

  1. roux

    Merci de cet excellent dossier , bien utile. Je suis étonnée de lire que les Nabis utilisent des couleurs « sorties du tube », elles me semblent travaillées dans le sens de mélangées et nuancées. En fait qu’est ce que  » sortie du tube »!

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